9 MARS 1945 : LES JAPONAIS S'EMPARENT DE L'INDOCHINE



CONTEXTE HISTORIQUE
Citations

Suite à la défaite française en Europe, le Japon qui depuis 1937 occupe une partie de la Chine, exige, dès Juillet 1940, la présence au Tonkin d'une mission de contrôle qui se transformera vite en une implantation militaire abusive et hostile. L'amiral DECOUX, qui prend alors la « barre de l'Indochine » à la suite du général CATROUX (futur Français lLibre), va s'efforcer tout au long de son mandat de contenir les exigences de plus en plus pressantes des Japonais.

En septembre 1940, le gouvernement de Vichy négocie avec le Japon, contre la reconnaissance de la souveraineté française en Indochine, des facilités militaires aux forces nippones. Les principales clauses de la convention militaire prévoient la mise à disposition de l'armée japonaise de trois terrains d'aviation au Tonkin, le droit pour le Japon d'entretenir 6 000 hommes de troupe au nord du Fleuve Rouge, ainsi que la possibilité de faire transiter jusqu'à 25 000 hommes en direction du Yunnan. Cet accord est finalement signé le 22 septembre 1940 vers quinze heures, trop tard pour ajourner le mouvement des troupes japonaises dont l'entrée en Indochine était prévue pour cette même date, que la convention militaire soit signée ou non : à 22 heures la 5e division d'infanterie japonaise traverse en trois endroits la frontière entre la Chine et l'Indochine aux alentours de Langson. Renforcée par des chars et des unités de soutien, elle bouscule les défenses françaises. La 2e Brigade du général MENNERAT ne peut opposer que 5 000 hommes aux 30 000 du général NAKAMURA. Elle comporte cinq bataillons d'infanterie (5e Régiment étranger d'infanterie, 3e Régiment de tirailleurs tonkinois et 9e Régiment d'infanterie coloniale), quelques chars et des pièces de 75 et de 155. La garnison de Langson qui se trouve rapidement encerclée capitule le 25. Les réserves françaises tentent de barrer la route de Hanoï mais, le 26, des troupes japonaises débarquent au sud de Haïphong. Une force de 4 500 hommes soutenues par des chars s'avance vers la ville qui est violemment bombardée et prise d'assaut. Ces combats vont s'arrêter dans la confusion, le général NAKAMURA exprimant le 5 octobre un « regret profond de l'incident inattendu de Langson ».

Le 21 juillet 1941, Vichy se retrouve dans l'obligation de céder aux nouvelles exigences japonaises. 50 000 hommes sont déployés dans la région et occupent notamment les aérodromes de Tourane, Nha Trang, Kompong Cham, Bien Hoa, Cat Laï et Tan Son Nhut mettant Singapour à portée de son aviation. C'est de cette dernière base que décollent une partie des appareils qui vont couler le Prince of Wales et le Repulse au large de la Malaisie. Des facilités navales sont également accordées à Saïgon et Cam Ranh et les forces françaises doivent évacuer les zones concédées.

Le 8 décembre 1941, l'attaque de Pearl Harbour isole définitivement l'Indochine. La Malaisie et la grande base aéronavale de Singapour tomberont en quelques mois aux mains des Japonais qui n'auraient pu réussir aussi vite sans leurs positions en Indochine.

Les années suivantes, le ravitaillement japonais pour les unités engagées en direction de la Birmanie et de l'Inde transite par les ports et les voies de chemin de fer indochinois. Les appareils du général CHENNAULT conduisent leurs premières attaques depuis la Chine en bombardant Haïphong et Hongay. Devant l'accroissement des opérations alliées, les forces françaises se retrouvent rapidement en situation de cobelligérance. 700 postes de guet surveillent les incursions alliées au profit des Japonais. Les batteries antiaériennes et les rares avions encore en état de voler sont engagés avec une efficacité toute relative.

Cette situation, puis la mise en place du gouvernement provisoire du général de GAULLE, conduit certains militaires à choisir la voie de la résistance. Des réseaux de renseignement se mettent en place et reçoivent le soutien de Français Libres installés en Chine dans un premier temps, puis en Inde où va être déployé le Service Action d'Extrême-Orient. En 1945, la chute du gouvernement de Vichy et la libération de la France, comme les revers successifs qu'il subit en Birmanie, aux Philippines et dans le Pacifique, conduisent le Japon à ne plus pouvoir tolérer la présence, au milieu de son dispositif, d'une force étrangère qui menace de devenir hostile. En conséquence, après avoir renforcé leurs effectifs sur le territoire indochinois, les Japonais préparent un plan d'attaque surprise des garnisons françaises et la main mise sur l'administration civile. Un prétexte est trouvé pour réaliser ce coup de force. L'ambassadeur du Japon MATSUMOTO prend rendez-vous le 9 mars 1945, avec l'amiral DECOUX. À l'issue de la réunion, l'ambassadeur remet au gouverneur général un ultimatum exigeant « le rattachement de l'armée française au commandement impérial nippon ». L'amiral DECOUX rejette énergiquement cette demande. À 20 heures, les Japonais passent à l'attaque sur tout le territoire indochinois, avant même de connaître la réponse de l'amiral DECOUX, prenant par surprise les troupes françaises.

Celles-ci, coupées de la métropole depuis septembre 1941, ne disposent plus que de 55 000 hommes (dont 15 000 Européens), équipés d'un armement démodé et sont fatiguées par leur isolement. L'unité la plus solide, le 5e Régiment étranger d'infanterie comporte 3 bataillons de légionnaires à la fois expérimentés et disciplinés car l'affectation sur ce théâtre d'opération reste une récompense. Deux de ses bataillons ont combattu avec efficacité lors de la guerre contre la Thaïlande, en janvier 1941, durant laquelle les forces françaises se sont bien comportées. L'aviation est squelettique et comporte essentiellement des appareils démodés : les quelques chasseurs Morane-Saulnier MS 406, qui étaient les avions les plus modernes déployés en Indochine (17 appareils en 1939, mais sans leurs canons de 20 mm), ne sont plus en état de vol depuis 1942 ; seuls des Potez-25 (biplans datant de la fin des années 1920) seront en mesure d'intervenir en mitraillant les troupes japonaises. Ces troupes françaises, mal équipées et moins nombreuses que leurs assaillants, vont opposer une résistance farouche mais désespérée.


CITADELLE DE HANOÏ, LE 9 MARS 1945

À 20 heures précises, les Japonais lancent l'attaque de la citadelle.

À un contre dix, ne disposant que de neuf canons de 75 et d'une pièce de 25, d'une cinquantaine d'armes automatiques et de quelques autos-mitrailleuses, les troupes européennes et indigènes de la citadelle opposeront pendant pendant près de vingt heures, sans discontinuité, une résistance farouche, se défendant bâtiment par bâtiment, étage par étage. Les canons tireront 1 700 obus sur des cibles situées à moins de 200 m. Sur un effectif initial d'un millier d'hommes, les pertes seront de 200 tués et 250 blessés, soit près de la moitié des effectifs. Les troupes japonaises, pourtant démunies de sensibilité, présenteront les armes et rendront les honneurs militaires aux survivants, reconnaissant ainsi leur courageuse attitude. Le nombre exact des pertes japonaises n'est pas connu, mais est généralement estimé entre 1 500 et 2 000 hommes, dont plusieurs centaines de tués (certains annoncent le nombre de 400), sur un total de 5 000 à 6 000 assaillants.

À partir de diverses sources j'ai essayé de reconstruire le chronologie de l'attaque de la citadelle. En annexe à la présente page, est donnée une liste de quelques  citations attribuées suite à ces combats.


Organisation des défenses de la citadelle au 9 mars 1945

Plan de l'organisation des défenses de la citadelle et du déroulement des combats réalisé à partir d'un croquis du chef de bataillon Paul JACOBI.

 


Chronologie de l'attaque de la citadelle



Dans la capitale tonkinoise, la troupe est déconsignée. Les officiers et sous-officiers sont pour la plupart d'entre eux chez eux ou en ville.

Henri BOIDEC, lieutenant à la sous-direction de l'artillerie du colonel XUAN, est allé dîner chez son cousin, le Dr Fernand MERLE, médecin à l'hôpital Lanessan. En traversant Hanoï pour rentrer vers la citadelle, en uniforme sur sa bicyclette, il croise de nombreuses troupes japonaises en armes, visiblement sur le point de passer à l'attaque. Arrivé à la citadelle, il rend compte des mouvements des Japonais, ce qui ne semble pas avoir eu d'effet notable.
20h00 Fonctionnaire de police rendu à la vie civile depuis septembre 1942, René VEYRENC arrive au square du Grand château d'eau situé au début du boulevard Carnot. Il y découvre, débouchant de la rue de l'hôpital chinois et se dirigeant vers la rue du Maréchal Joffre, une vague d'assaut japonaise armée de lance-grenades, de mitrailleuses légères et de de fusils, baïonnette au canon. Celle-ci se dirige au pas de gymnastique vers les immeubles du commissariat de police du 2e arrondissement et du grand bâtiment à étages abritant l'état-major de l'Air.

Les Japonais ouvrent le feu, abattant les sentinelles françaises et indigènes qui gardaient les accès du commissariat de police et de l'état-major de l'Air. Les assaillants prennent possession de ces bâtiments dont le personnel est massacré.

Au bruit des premiers coups de feu, rapidement suivis de coups de canon, le lieutenant-colonel Raymond GAUTHIER sort de son logement de la rue du Maréchal Joffre et rejoint en courant l'état-major de l'artillerie situé de l'autre côté de la rue. Il y trouve une poignée d'officiers et une demi-douzaine de soldats. Après avoir rassemblé quelques armes, il laisse trois hommes à la garde du bâtiment et tente, avec le reste de sa petite troupe, de rejoindre les casernements, sous le feu croisé des défenseurs de la citadelle et des Japonais qui essaient de s'infiltrer par les jardins.

Square du Grand château d'eau, René VEYRENC voit arriver une seconde vague d'assaut qui s'enfonce dans la rue Maréchal Joffre, le long des remparts de la citadelle. Il quitte la tranchée où il s'était abrité et rejoint la porte Nord de la citadelle où une unité du 4e RAC met en batterie deux canons de 75 mm, pointés dans l'axe de la rue Do Huu Vy. Il aide à l'approvisionnement en obus des pièces d'artillerie.

Le capitaine Georges FENAUTIGRES, commandant du Détachement motorisé de la Légion (DML), qui dîne en ville à l'hôtel Métropole, a prévu de regagner la citadelle pour 21h00. Dès les premiers coups de feu, il cherche à rejoindre la citadelle, mais tous ses accès sont bloqués par les Japonais. Il fait demi-tour et se rend à la prison centrale où il connaît un fonctionnaire de la Sûreté qui lui fournit un pistolet mitrailleur. Accompagné de deux sous-officiers, il tente de se frayer un passage jusqu'à la citadelle, mais, en voulant forcer un barrage au niveau du cinéma Olympia, rue des Cuirs, à moins de 300 m de la citadelle, il est frappé à mort.
20h10 Les sirènes françaises implantées dans tous les quartiers de la ville, se mettent à mugir : l'alerte est donnée.

Dans la citadelle, le DML est sur le pied de guerre car, en transit depuis Langson vers Tong, il devait quitter la citadelle à 21h50. Ne voyant pas arriver son chef, dans la confusion générale et en l'absence d'ordres clairs, l'adjudant Max ROMAN organise de sa propre initiative un premier dispositif de défense avec les quatre automitrailleuses du DML : il place une auto-mitrailleuse face à la porte Est de la citadelle, restée ouverte, et envoie quelques hommes du peloton motocycliste pour en tenir l'entrée. Les trois autres véhicules blindés sont placés à proximité des autres portes, l'un d'eux étant mis à la disposition du lieutenant-colonel Marc LEFEBVRE d'ARGENCÉ, commandant le VIe groupe du 4e RAC, qui prend à son compte la défense de la face Nord de la citadelle.

À la prison militaire, sur ordre de l'adjudant-chef MAILLOT, les détenus européens désignés pour participer à la défense de la citadelle sont armés et conduits par leurs surveillants jusqu'à leurs postes de combat : trois d'entre eux, sous les ordres du caporal-chef Maurice BRISSET, vont renforcer le blockhaus 19, situé à l'angle Nord-Est de la prison militaire, qui a pour mission de battre avec son arme automatique les faces Nord et Nord-Est du chemin de ronde. Les autres détenus, sous le commandement des sergents Julien CARO et Yves LINDER, prennent position aux faces Est et Sud de l'enceinte de la prison militaire.

En l'absence du titulaire de la fonction, le lieutenant-colonel Pierre CADOUX prend le commandement du 4e RAC et du sous-quartier Nord.
20h15 Un tirailleur du poste de garde, à la porte d'entrée de la prison, est blessé par balle et évacué sur l'infirmerie de garnison du 9e RIC.

Après s'être emparés des bâtiments de l'état-major de l'Air, les Japonais s'efforcent d'escalader les murs des casernements à proximité de la prison militaire. Les lumières de la ville n'ayant pas été coupées, ces tentatives se font sous un éclairage intense et les soldats japonais qui se risquent sur les échelles de corde sont massacrés par les tirs des défenseurs.  
20h25 Depuis sa maison de la rue du Maréchal Joffre, le lieutenant MILLOUR a rejoint la porte Est de la citadelle où se trouve le capitaine Jean OMESSA, un vieux marsouin corse barbu, vétéran de la guerre 1914-18 et des combats du Rif. Il reçoit l'ordre de s'occuper de la face Est de la citadelle (sous-quartier A). Après avoir fait ouvrir les créneaux pour les fusils-mitrailleurs, il prend contact avec le chef de poste, le sergent RAUDIN.

Arrivée de l'adjudant Paul SOUPERBIET. Ne pouvant prendre ses positions en avant de l'Hôtel de la DT (Division du Tonkin) déjà occupé par les Japonais, il prend le commandement des éléments situés de part et d'autre de la porte. (L'adjudant SOUPERBIET combattra avec acharnement une partie de la nuit avant d'être tué à son poste).

Le lieutenant MILLOUR, resté dans le redan face au sud avec deux FM, fait ouvrir le feu sur des camions et des groupes de Japonais. Il commande de temps à autre des tirs par rafale au ras du mur de clôture en vue de flanquer la face Est de la citadelle.

En face de l'entrée de la prison militaire, l'adjudant-chef Pierre LE DREN et l'une de ses fillettes sont grièvement blessés en essayant de rejoindre le 4e RAC. Ils sont transportés par l'adjudant-chef MAILLOT dans le bureau de l'agent principal, puis évacués sur l'infirmerie de garnison du 9e RIC sous la conduite du détenu DIAZ. L'adjudant-chef LE DREN décédera de ses blessures peu après son arrivée à l'infirmerie.

Au nord de la citadelle, René VEYRENC a réussi à se glisser dans la nuit jusqu'à son logement au 8, rue Do Huu Vy. Il y prend les armes qu'il y avait cachées lors de son retour de la zone des opérations militaires. Armé d'un mousqueton d'artilleur, de deux revolvers et d'une musette de cartouches, il fait le coup de feu sur les Japonais qui passent à proximité de son abri.
20h40 Le petit groupe du lieutenant-colonel GAUTHIER arrive enfin à rejoindre la citadelle, sans avoir été touché.
21h00 Dans son logement du pavillon des officiers du Boulevard Galliéni, le capitaine Léon LASSALLE, chef de la compagnie de commandement n°1 du 9e RIC, a été alerté par la fusillade puis les coups de canon. Il rejoint la caserne Lizé (sous-direction de l'artillerie) où il rencontre le général MORDANT, puis se dirige vers le sous-quartier A dont la défense incombe au 9e RIC.

Depuis le bâtiment du commandement de l'artillerie, l'adjudant-chef Sébastien HÉNAFF, sous-officier du 4e RAC, prend la direction de la citadelle sur sa bicyclette avec, comme passager sur son porte-bagage, le général MASSIMI. (Dans son rapport officiel le général François MASSIMI déclarera avoir rejoint la citadelle en voiture). À peine arrivé à la citadelle, l'adjudant-chef HÉNAFF est grièvement blessé. Il restera longtemps sans aucun soin au pied du mur de la citadelle et ne sera évacué vers l'hôpital que le lendemain, après la reddition de la citadelle
21h15 À la porte Est de la citadelle, le général MASSIMI rencontre le capitaine LASSALLE et l'adjudant ROMAN. Le général doute de « l'agressivité » des Japonais, avant de se résoudre à l'évidence. Son chef d'état-major n'ayant pas réussi à rejoindre la citadelle, cette fonction sera assurée pendant toute la durée des combats par le lieutenant-colonel GAUTHIER.

Le chef de bataillon JACOBI rejoint la citadelle et se met à la disposition du chef de bataillon ABEILLE, commandant le quartier Sud. Blessé à la main peu après, il va se faire soigner à l'infirmerie.

L'adjudant ROMAN fait avancer l'auto-mitrailleuse du sergent KOHLZ (AM 518) à hauteur de la porte Est pour tirer sur une colonne de camions japonais qui remonte la rue de Tien-Tsin en direction du nord.

Le capitaine LASSALLE prend contact avec les commandants ABEILLE, JACOBI et le capitaine OMESSA, puis regroupe et organise les personnels de sa compagnie dans les tranchées face aux portes Est et Sud.

Leurs tentatives répétées d'escalader les murs de la citadelle s'étant révélées infructueuses, les Japonais changent de tactique et tentent, avec leur artillerie, de créer des brèches dans les murs de la citadelle.
22h00 Bombardements de plus en plus sérieux par grenades, mortiers et canons de la porte Est et de ses environs immédiats, causant quelques morts et de nombreux blessés. L'adjudant ROMAN fait partie des blessés : des éclats de grenade l'atteignent au dessus de l'œil et tout le long de sa jambe gauche. Les caporaux KORNMANN et RIVERA du DML, qui accompagnaient l'adjudant, sont également blessés. ROMAN et RIVERA restent à leur poste.

Le lieutenant MILLOUR complète l'occupation des créneaux avec des éléments se trouvant dans les tranchées immédiates.

Depuis le début des combats, au sud de la citadelle, la caserne Berthe de Villers a subi de nombreuses infiltrations ennemies. De 22h00 à 01h00 elle subira quatre attaques japonaises. À chaque fois, les hommes du 1er RTT du commandant Joseph DUMAINE parviendront à les rejeter sur leur ligne de départ.
23h00 L'effort principal des Japonais se porte sur la face Nord de la citadelle, qui longe le boulevard Carnot, et où ils arrivent à effectuer une brèche. Le sergent KLUG du DML se porte avec son automitrailleuse (AM 119) à la rescousse des hommes du lieutenant-colonel LEFEBVRE d'ARGENCÉ. Elle y restera jusqu'au cessez-le-feu.

Alors que l'automitrailleuse du sergent KOHLZ continue de se battre à la porte Est, celle du caporal chef OLZENSKI (AM950) lie son action à celle du capitaine OMESSA. De son côté, dans sa Panhard-Levassor (AM08), l'adjudant DEMONT se porte successivement aux points les plus menacés, profitant au maximum de la rapidité de mouvement que lui procure l'inverseur de son véhicule.
24h00 La porte Est étant momentanément nettoyée, le lieutenant MILLOUR obtient des brancardiers et fait évacuer les blessés. Les morts sont laissés sur place.

L'adjudant COAT rejoint le lieutenant MILLOUR avec des renforts.
00h30 Les éléments de la compagnie LASSALLE sont regroupés et organisés en deux groupes de fusiliers-voltigeurs. Le premier, d'un effectif équivalent à une section, est placé sous le commandement de l’adjudant-chef LAUER qui a rejoint l’unité après avoir détruit les documents confidentiels du I/9e RIC. Le second est organisés en deux groupes de combat aux ordres du sergent-chef MORAND. Leurs armes automatiques sont constituées, en tout et pour tout, d'un fusil-mitrailleur FM 24, d'un FM Hotchkiss et de deux mitrailleuses sans affût.

Le calme régnant à la porte Sud, ces deux unités sont déployées dans les tranchées Nord de la compagnie de passage.
01h30 Le capitaine LASSALLE reçoit l'ordre d'envoyer tout le personnel disponible du côté du poste de police, aux ordres du commandant JACOBI.
02h00 Le lieutenant MILLOUR reçoit des ravitaillements en munitions de la part du chef de bataillon JACOBI. Il ne dispose plus que d'un seul fusil-mitrailleur FM 15.

Au nord de la citadelle, René VEYRENC est contraint d'abandonner la position qu'il occupe, rue Do Huu Vy, depuis le début de la nuit. Il rejoint dans cette même rue un petit groupe de francs-tireurs franco-indochinois, articulé par l'adjudant GOUGO, un aviateur qui n'a pas pu rejoindre la base aérienne de Bac Maï. Plusieurs fois au cours de la nuit, ce petit groupe essaiera, mais sans succès, de porter secours aux blessés français étendus sur le sol de la rue Do Huu Vy.
02h30 Nouvelles infiltrations ennemies.

Le sergent-major JOBARD et l'adjudant COAT rendent compte au lieutenant MILLOUR que leurs sections sont sur le point d'être anéanties et qu'il y a urgence à les recompléter.

Le général MASSIMI lui met à sa disposition le peloton moto du DML commandé par l'adjudant Gaston LACROIX A GRANDPIERRE (environ 4 groupes de combat avec FM), ce qui lui permet de compléter les deux sections de la porte Est et de garder un groupe de combat en réserve.

L'un d'eux est placé à hauteur du poste de police, avec mission de tirer sur tout ce qui se déplace dans son champ de tir au travers de la porte Est partiellement défoncée. Suite à des tirs de mortier japonais, ce groupe de combat est par la suite déplacé à l'étage, au dessus de la salle de service, pour tirer par dessus le poste de police.

Après s'être fait pansés, les légionnaires RICHARD et AROKIASSAMY, blessés vers 02h30, regagnent leur poste.
03h00 Destruction du réseau téléphonique et de l'installation électrique de la caserne Brière de l'Isle par projectiles.

Après avoir reçu des renforts, l'attaque japonaise reprend de plus belle. Le bombardement des défenses de la porte Est s'intensifie. La position tenue par le lieutenant MILLOUR n'est plus tenable, il ordonne de l'évacuer.

Les Japonais font irruption dans la citadelle par la porte Est.
03h30 Le lieutenant MILLOUR détruit les dossiers de mobilisation du 9e RIC et ordonne au sergent-chef DIDIER d'enterrer ou de détruire le drapeau du régiment. (Il aurait été enterré sous une dalle d'entrée d'un pavillon de cadres célibataires, bâtiment qui logera le commandement japonais jusqu'à son départ d'Hanoï).
03h45 L'AM 518 du DML (sergent KOHLZ), qui tient sous son feu la porte Est, est atteinte de plein fouet par un obus de 37 mm. Le légionnaire JONATA est grièvement blessé. Le légionnaire KLANAEC, bien que blessé, reste à son poste et continue de tirer.
04h00 Un nouvel obus frappe l'AM 518 qui se met à flamber, forçant son équipage à l'abandonner. Les légionnaires encore en état de combattre regagnent le peloton motocycliste.
04h30 Suite à la demande du lieutenant MILLOUR, le capitaine LASSALLE vient le renforcer avec une trentaine d'hommes.
05h00 Depuis les étages des immeubles avoisinant les quartiers militaires, des éléments de soutien japonais ouvrent sur la défense un tir terrible de mortiers.

L'arme automatique du blockhaus 19 (angle Nord-Est de la prison militaire) s'étant enrayée, l'adjudant-chef MAILLOT donne l'ordre au personnel de se replier au 4e RAC.

La section MORAND occupe le mess des officiers et les abords des locaux disciplinaires.
05h15 Une nouvelle charge des Japonais leur permet de s'infiltrer dans la citadelle et d'occuper une partie du bâtiment des services administratifs. Une grenade lancée par les Japonais dans la salle où se trouvent le capitaine LASSALLE et le lieutenant MILLOUR les contraint de se replier avec leurs hommes. Le capitaine OMESSA leur ordonne de rejoindre le bâtiment de la compagnie de passage.

Submergeant le sous-quartier B, les Japonais s'emparent de la porte Sud que son défenseur, le lieutenant René PONS, blessé, a dû abandonner sous de violents tirs de mortiers. La caserne Berthe de Villers, tenue par le 1er RTT, est désormais séparée du reste de la citadelle. Les assaillants commencent à entamer le sous-quartier C dont le chef, le lieutenant PETIT, est également hors de combat.

Compte tenu de l'avancée des assaillants à la porte Sud, le capitaine OMESSA ordonne aux hommes du capitaine LASSALLE et du lieutenant MILLOUR de quitter le bâtiment de la compagnie de passage et de se regrouper aux abords du magasin aux vivres.

Les chars et auto-chars (engins hybrides bricolés avec les moyens du bord : tourelle française sur châssis de camion américain) du Détachement motorisé de Hanoï (DMH) font feu sur le Groupement automobile du Tonkin (GAT), tandis que ses chenillettes défendent la face Sud du 4e RAC.
07h00 Le dépôt de munitions de la caserne Lizé explose.

Sans nouvelle du commandant ABEILLE, le chef de bataillon JACOBI décide d'assumer le commandement du quartier Sud à sa place.

Le capitaine d'administration DILLY prend le commandement du sous-quartier D, précédemment sous le commandement du lieutenant GARDILLON.

Le commandant JACOBI confie le sous-quartier C au chef d'escadron VAILLANT. Renforcé d'une pièce de 75 et du détachement PONS refoulé de la porte Sud, le commandant VAILLANT va apporter une aide très efficace aux opérations du sous-quartier A en prenant sous ses feux la coulée de l'avenue du Maréchal Bichot.

Le chef de bataillon JACOBI organise la contre-attaque qui va être épaulée par 2 autos-mitrailleuses, dont l'AM08 de l'adjudant DEMONT du DML, et 3 chars FT des détachements motorisés.
07h30 Dans la caserne Brière de l'Isle, la contre-attaque, menée à la grenade et au fusil-mitrailleur, est conduite par le capitaine OMESSA, secondé par les lieutenants MILLOUR et BIDEAU, fusil au poing. Cette contre-attaque, effectuée par la majeure partie des éléments du 9e RIC renforcés du peloton motocycliste du DML (environ quatre-vingts hommes), permet de reprendre le bâtiment de la compagnie de passage et du réfectoire des Européens.

Les éléments du peloton moto de l'adjudant LACROIX A GRANDPIERRE s'infiltrent dans le bâtiment du foyer où l'adjudant sera tué. Une quinzaine de volontaires emmenés par un autre sous-officier du DML, l'adjudant Max ROMAN, reprend successivement la cuisine puis le réfectoire. Au cours de cette action, ROMAN est grièvement blessé (le ventre ouvert par une rafale de mitraillette, une balle dans la colonne vertébrale). Le caporal GIORSETTI parvient cependant à le mettre à l'abri. 

Pour épauler le capitaine OMESSA sur sa droite et reprendre la porte Sud, le capitaine LASSALLE regroupe une quarantaine d'hommes et une AM. Il lance son attaque à environ 150 m au nord de la porte.
08h00 L'AM08 du DML, qui progresse également sur la rue de la porte Sud, est surprise par un lance-flammes qui déclenche un début d'incendie rapidement éteint. Bien que dans les heures suivantes cette auto-mitrailleuse sera touchée par quatre coups de 47 mm et deux de plus gros calibre, elle continuera de combattre jusqu'à la fin.

Le groupement LASSALLE réussit à progresser jusqu'aux abords du GAT et de la compagnie auto et à colmater la brèche qui s'était creusée entre les casernes Brière de l’Isle et Lizé, mais sans réussir à reprendre la porte Sud. Dans son mouvement en avant, il recueille les survivants du groupe PONS.
10h00 Le caporal-chef DECLOS, du 9e RIC, surveillant à la prison militaire, est blessé à la main en face de l'horloge du quartier Lizé. Après avoir été pansé à l'infirmerie du 4e RAC, il retourne à son poste de combat.

Le légionnaire Louis BILLOT qui était détenu à la prison militaire, touché à la poitrine, est également évacué vers l'infirmerie du 4e RAC.

Aux environs de la compagnie de passage du 9e RIC, le caporal STEMPF du 10e RMIC, qui était également détenu à la prison militaire, est tué.
11h00 Anéantissement de l'ouvrage 3 (sous-quartier A) et mort de son chef, l'adjudant André CABANAC du 9e RIC, qui avait remplacé le sergent LAFABRÈGUE grièvement blessé.
12h00 Les légionnaires JONDA et PLATSGUMMER du DML complètent l'équipage d'un auto-char du DMH.
12h30 Un obus frappe de plein fouet l'auto-char des légionnaires JONDA et PLATSGUMMER. PLATSGUMMER, qui réussit à se dégager au prix de fortes brûlures, est blessé par balles. Le légionnaire JONDA meurt dans les décombres du véhicule.
13h00 Une nouvelle contre-attaque permet aux troupes françaises de reconquérir la quasi-totalité de la caserne Brière de l'Isle. Le lieutenant MILLOUR y prend une part active.
13h30 Les Japonais reprennent leurs attaques.
14h00 Une pièce de 75 du 4e RAC, en batterie dans la caserne Brière de l’Isle, est anéantie avec tous ses servants.

Le caporal-chef BRISSET, combattant aux environs du GAT, est transporté à l'infirmerie du 9e RIC après avoir été mortellement blessé à la poitrine. Les légionnaires Adolf HENNE et Erwin LAMM, prisonniers libérés, sont également tués aux environs du GAT.

Un détachement tente une sortie depuis la caserne Berthe de Villers. Ayant épuisé toutes ses munitions, il est finalement capturé par les Japonais.
15h30 Compte-tenu du manque de munitions et face aux nouveaux renforts amenés par les Japonais, le général AYMÉ donne l'ordre aux défenseurs de la citadelle d'accepter de cesser le combat avec les honneurs de la guerre. Le général MASSIMI fait sonner le cessez-le-feu.

Au coin du bâtiment de la coopérative du 9e RIC, le légionnaire Hans LOEB, prisonnier libéré, reçoit plusieurs coups de baïonnette et est évacué sur l'infirmerie du 9e RIC.

Le caporal chef Lucien VIGNAL, du 9e RIC, refuse de se rendre. Il se précipite sur les Japonais qui l'abattent.

Caserne Berthe de Villers, le commandant DUMAINE refuse de déposer les armes.
16h00 Les Japonais, maîtres de la citadelle, concentrent désormais leurs forces sur le 1er RTT dont les munitions s'épuisent.
16h30 Le commandant DUMAINE finit par accepter de se rendre. Il enroule le drapeau du 1er RTT autour de son corps, ce qui permettra de le sauver.



Le bâtiment de la compagnie de passage du 9e RIC après les combats.

(Photo communiquée par Lionel PAUGAM, dont le grand-père, l'adjudant-chef Jean-Paul PAUGAM, a participé aux combats des 9 et 10 mars 1945).



Il est généralement admis que 450 militaires européens ont combattu dans la citadelle. Mais ce nombre, qui provient du rapport du général MASSIMI, correspondrait aux effectifs au moment où les hostilités sont déclenchées et il ne prend pas en compte les légionnaires du Détachement motorisé de la Légion. Le nombre réel d'Européens ayant combattu dans la citadelle serait donc plus proche de 550, voir légèrement inférieur à 600. Selon certains documents, les pertes parmi les soldats européens seraient de 87 tués, dont 9 officiers, et de 139 blessés. Pour les soldats indochinois elles seraient de 112 tués, dont 1 officier, et de 122 blessés.

Le fichier ci-joint, combattants de la citadelle, donne la liste des officiers, sous-officiers et hommes du rang européens que j'ai pu identifier comme ayant participé au combats dans la citadelle, y compris la caserne Berthe de Villers du 1er RTT. Cette liste n'est pas exhaustive, elle identifie néanmoins plus de 530 combattants. 

Parmi ceux-ci on peut mentionner :

On peut également noter les éléments suivants :
Citations