L'INDOCHINE ET LE COUP DE FORCE JAPONAIS


Alexandre BROUDIN


Informations fournies par Marie-France BROUDIN-MOTROT, âgée de 12 ans en mars 1945, concernant son père, le sergent-chef Alexandre BROUDIN.

Alexandre BROUDIN est né le 28 novembre 1905 à Saint-Marc, canton de Brest. Le 31 mars 1930, il est admis dans le corps des sous-officiers de carrière avec le grade de sergent. Il est alors en poste à Tien-Tsin, en Chine, au 16e Régiment d'infanterie coloniale.

De retour en France, il est nommé au grade de sergent-chef le 1er juin 1937 et désigné pour servir en Indochine. Le 1er octobre 1937, à Marseille, il embarque avec son épouse et sa fille, Marie-France, sur le Cap Tourane à destination de Haïphong où ils débarquent le 2 novembre. Après une première affectation au 9e RIC, il est muté au 1er RTT (Régiment de tirailleurs tonkinois) en février 1941 puis, s'étant porté volontaire pour participer aux opérations du Cambodge, au 4e RTT à Kompong-Chan le 28 février 1941. Le 1er juin 1941, il est de retour au 1er RTT à Hanoï. Le 28 novembre 1944, Alexandre BROUDIN est nommé agent de 2e classe des corps de troupe et maintenu à sa demande dans l'armée d'active, au-delà de la limite d'âge de son grade.

Le soir du 9 mars 1945, la famille BROUDIN n'est pas chez elle, boulevard Rialan, mais dîne chez une amie, Marthe LE GALL, rue du sergent Larrivée, près de l'hôpital Lanessan. Dans cette même rue, trois villas ont été réquisitionnées pour des officiers japonais. Un autre ami de la famille est présent, Joseph TANGUY, sous-officier.

Le repas commence à peine, que des détonations retentissent. Alexandre BROUDIN étant de service, il enfourche immédiatement son vélo dans l'intention de rejoindre la citadelle. Sur l'initiative de Joseph TANGUY, les quatre autres convives décident d'aller se réfugier à l'hôpital Lanessan. Au même moment, Jean PEUCH, sous-officier travaillant dans un état-major proche de l'hôpital, son épouse et leur fils Gérard sortent de leur maison mitoyenne. Jean PEUCH est aussitôt emmené par des Japonais et, alors que Mme PEUCH et son fils rejoignent leurs voisins, un Japonais s'approche d'elle et la tue à bout portant. Quelques instants plus tard, Jean PEUCH est à son tour exécuté en contrebas de la digue qui bordait le Fleuve Rouge. Les raisons de ces deux meurtres sont toujours restées mystérieuses.

Pendant ce temps, le sergent-chef BROUDIN a pris la direction de la citadelle. En chemin, deux autres sous-officiers, dont le maréchal des logis AVRILLEAU du 4e RAC, et un civil, tous sans arme, se sont spontanément ralliés à lui pour tenter de rejoindre les défenseurs de la citadelle. Quelques rues plus loin, leur petite troupe rejoint le chef de bataillon Georges JACQUINOT, major de la garnison de Hanoï, accompagné de l'adjudant FRANÇAIX, secrétaire d'état-major colonial [il s'agit probablement de Léo FRANÇAIX du réseau Graille des FFC]. En remontant le boulevard Carreau, ils franchissent sans encombre le boulevard Henri Rivière et arrivent au niveau du croisement avec le boulevard Dong Khanh. Ce carrefour, comme ceux déjà traversés, était éclairé par une lampe suspendue au dessus de son centre qui en éclairait le milieu et en laissait les abords dans l'obscurité. Comme pour les carrefours précédents, le sergent-chef BROUDIN et ses compagnons scrutent les environs avant de franchir d'un bond, tous ensembles, la zone éclairée. Malheureusement, de l'autre côté du carrefour ils tombent sur un détachement japonais, caché dans l'obscurité le long des maisons du boulevard Carreau. L'échauffourée qui s'en suit fait deux blessés par baïonnette. FRANÇAIX, blessé à la cuisse gauche est fait prisonnier, mais AVRILLEAU, légèrement blessé à la poitrine, réussit à s'échapper avec les autres.

La suite est assez confuse : Le commandant JACQUINOT rebrousse chemin par le boulevard Carreau et prend la direction de l'hôtel Splendide. En chemin, il rencontre le médecin-capitaine Georges ROUAN qui décide de ramener AVRILLEAU dans sa chambre de ce même hôtel pour le soigner. Au petit-jour, le capitaine ROUAN ressort en uniforme pour tenter de rejoindre l'hôpital Lanessan. Un peu plus tard, vers 08h00 heures, le commandant JACQUINOT est arrêté par des gendarmes japonais à l'hôtel. En est-il de même pour AVRILLEAU ? Que sont devenus BROUDIN et ses compagnons ? Ce qui est sûr, c'est qu'ils n'ont pas réussi à rejoindre la citadelle.

Le 16 mars, Alexandre BROUDIN se rend aux Japonais et est interné le même jour dans la citadelle. Le 18 septembre 1945, il est libéré et est affecté,  à compter du 1er novembre 1945, au Bataillon formant corps du 9e RIC. Le 17 mai 1946, il est proposé pour le grade d'adjudant.