1948 / 1951
4e BMEO

GUERRE D'INDOCHINE - 1953 / 1954 : 21e RIC

Préambule : de manière à simplifier la lecture de ce texte consacré au bataillon de marche du 21e RIC, les parties du texte plus spécifiquement consacrées à mon oncle, le sergent Maurice MILLOUR, et à la 12e Cie à laquelle il appartenait sont présentées sur un fond plus clair.

Après diverses affectations en métropole (3e RTS, puis de nouveau le 3e RIC à Clignancourt) et après avoir prolongé son engagement de trois ans à compter du 1er juin 1953, le sergent Maurice MILLOUR embarque à Marseille le 16 septembre 1952 pour l'Indochine, une nouvelle fois à bord du Pasteur. Il débarque à Saïgon  le 3 octobre ; le 15 décembre 1952 il est affecté au 3e bataillon du 21e RIC dans la province de Bac-Giang (Nord-Vietnam), secteur de Luc-Nam dans l'ex-Tonkin. [Maurice rejoint donc au III/21e RIC l'adjudant PÉRILLAUD qui avait également fait le voyage à bord du Pasteur : cf. le livre de Paul PÉRILLAUD, Luc-Nam - Le journal d'un soldat de l'infanterie coloniale, Éditions Regain, 1972.]

Depuis novembre 1950, le III/21e RIC est implanté dans le triangle constitué des trois villes de Luc-Nam, Phu Lang Tuong (Bac-Giang) et Sept Pagodes (Pha-Laï). Il y mène les opérations habituelles de la « pacification » : tenue des postes et ouverture des routes. En plus de ces tâches quotidiennes, le III/21e RIC fournit par roulement entre ses unités un bataillon opérationnel, généralement à trois compagnies, qui participe occasionnellement au sein de groupements mobiles à des opérations dans le delta tonkinois (principalement provinces de Haï-Duong et de Hung-Yen).

Compte tenu de son recrutement autochtone, le I/21e RIC était devenu, le 31 août 1952, le 71e BVN (bataillon vietnamien). De même, le 31 mars 1953, le II/21e RIC sera dissous et deviendra le 30e BVN.

Le 16 septembre 1952, le soldat Marius LAGNEAUX, en provenance du 54e BVN, rejoint le III/21e RIC. Dans un premier temps affecté à la CCB, il est rapidement muté à la 11e Cie puis, le 1er décembre, à la 9e Cie. Des photos permettent de le localiser début novembre, alors qu'il est encore affecté à la CCB, au poste avancé de la cote 180, à quelques kilomètres au nord de Luc Nam. Le Poste 180 est un petit fortin en pierres et rondins, bien loin des ouvrages en béton de la ceinture fortifiée voulue par le général DE LATTRE. (Cf. les photos du Poste 180).

Le 1er janvier 1953, le III/21e RIC prend le nom de bataillon de marche du 21e RIC. Il est alors constitué d'une compagnie de commandement du bataillon (CCB 3), de quatre compagnies de combat (n° 9 à 12), d'une compagnie franche et de la compagnie de marche Thô (CMT). Il est renforcé par le Commando 7 et des compagnies de supplétifs militaires (345e, 347e et 368e CSM). Le Cdo 7 a été créé en septembre 1951 ; initialement stationné à Than Gia, il est cantonné depuis février 1952 à Luc Nam. Les CSM et le commando sont des compagnies à effectifs de 100 tirailleurs commandés par un officier (ou un adjudant) et un sous-officier, épaulés par quelques hommes de troupe européens. Les supplétifs sont principalement des montagnards Nungs et Thôs, anciens « pirates chinois », originaires de la région. Certains d'entre eux ont conservé leurs traditions ancestrales consistant à manger le foie de leurs ennemis valeureux pour s'imprégner de leur courage. [Cf. Paul PÉRILLAUD.] La compagnie franche, compagnie régulière en supplément des effectifs, a été créée le 1er décembre 1950 à partir d'éléments de Cau-Bao-Lang volontaires pour servir au III/21e RIC. À sa  création, la compagnie franche commandée par le sous-lieutenant NONG VAN NHAY était constituée de 100 tirailleurs encadrés par deux sous-officiers autochtones. La CMT est quant à elle la seule formation régulière du corps expéditionnaire exclusivement constituée de Thôs. Elle a été officiellement et rattachée au III/21e RIC le 1er mai 1951.

À son arrivée au BM/21e RIC Maurice est affecté à la 12e Cie.

En janvier 1953, le commandant MICHEL, qui était à la tête du III/21e RIC depuis le 20 septembre 1952 est remplacé provisoirement par le capitaine FRANCONIE. 

Au premier trimestre 1953, le bataillon opérationnel du BM/21e RIC, aux ordres du capitaine Albert SAVARY, est composé de la 11e Cie du capitaine HÉNON, de la 12e Cie du lieutenant Élie CAMRRUBI et de la Cie franche du sous-lieutenant NHAY, avec ponctuellement des renforts issus de la CCB.

En janvier, le bataillon opérationnel effectue des opérations de nettoyage dans la province de Haï-Duong. Le 20, lors de l'encerclement du village de Tri-Gia, les Viêtminh résistent farouchement, causant la mort de deux soldats du 21e RIC et faisant quatre blessés dont le lieutenant CAMRRUBI. Celui-ci, grièvement blessé par une mine piégée, sera rapidement rapatrié sanitaire en métropole. Le lieutenant DAVID succède au lieutenant CAMRRUBI à la tête de la 12e Cie.

Du 26 au 31 janvier, le bataillon opérationnel du BM/21e RIC est intégré, aux côtés du 4e BVN et du bataillon de marche de Bac Ninh, au groupement KERGARAVAT pour participer à l'opération Normandie (phases I et II). Sont également engagés dans cette opération qui se déroule au sud de la RC 5 (province de Haï-Duong), en terrain difficile et en pleine période de crachin, les GM3 et 4, ainsi que le 4e escadron du RICM (Régiment d'infanterie coloniale du Maroc).

Le 26, après avoir passé la nuit à Phu My où il a subi quelques attaques, le bataillon opérationnel du BM/21e RIC se dirige vers Phu Me (5 km au sud-est d'An-Cu) où il est accroché. Avant la nuit il doit se retirer après avoir eu un tué et quatre blessés. La conduite de Maurice au cours de ces combats lui vaut d'être décoré de la croix de guerre avec étoile de bronze.

Le 17 mars 1953, le général de corps d'armée de LINARES, commandant les Forces terrestres du Nord-Vietnam, cite à l'ordre de la brigade le sergent  Maurice MILLOUR, de la 12e Cie du bataillon de marche du 21e RIC (extrait de l'ordre général n°1773) :

Sous-officier calme et courageux. Adjoint au chef de section, s'est particulièrement distingué le 26 janvier 1953 lors de l'attaque de Phu Me (Nord-Vietnam). Fortement pris à partie par un nid de résistance rebelle, n'a cessé de le harceler en lui infligeant des pertes.

Citation comportant l'attribution de la croix de guerre des théâtres d'opérations extérieures avec étoile de bronze.


Le 27, malgré l'intervention des chars du 4e escadron du RICM, le BM/21e RIC ne réussit pas à pénétrer dans le village fortifié d'An-Cu. Il y parvient le lendemain avec l'appui du bataillon de marche de Bac Ninh. Les pertes du BM/21e RIC suite aux combats pour An Cu sont d'un tué et de sept blessés. Le 1er février, le Groupement KERGARAVAT est dissous et les bataillons le constituant retrouvent leurs casernements respectifs.

Le 25 février, arrivée à Luc Nam du capitaine de MAISON ROUGE qui prend le commandement du BM/21e RIC et du sous-secteur.

Fin février, opérations de nettoyage dans le cadre des opérations Nice (région de Kim Doi, au sud du Canal des Rapides), puis Nice II (région de Phu Luu au nord de ce même canal). Le 2 mars, lors de l'attaque du village de Xon-Dua (province de Bac Ninh), la forte réaction viêtminh fait quatre morts parmi les hommes du 21e RIC, parmi lesquels figure le sergent Marc TRABLY, et neuf blessés dont l’adjudant FOLLOT.

Le 5 mars à Am Tru, lors de l'ouverture de route entre Sen-Ho et Bac-Giang, à quelques kilomètres au sud de celle-ci, Maurice est blessé au coude droit par éclats d'obus.

Dans les jours suivants, le bataillon opérationnel du BM/21e RIC effectue différentes opérations à l'est et au sud de Bac-Giang (villages de Sen-Ho, Nui-Thon, Phan-Son...) avant de retourner à Luc-Nam le 20 mars. Associé au bataillon de marche du 5e REI, il attaque entre les 24 et 29 mars les villages de Lu-Phu, Trai-Ké et Canh-My, puis, en remontant le long du Song-Cau, occupe successivement Song-Lu, Ben-Thon et Yen-Diem (cf. la carte ci-dessous).

Carte des environs de Luc-Nam

        Image haute résolution 

Au cours de ce même trimestre 1953, peu d'activités concernant les unités du BM/21e RIC implantées dans le sous-secteur de Luc-Nam : patrouilles habituelles. On note cependant que le 1er mars 1953, dans le secteur de Bai-Thao, le deuxième classe Maurice GESELLE saute sur une mine en allant reconnaître les positions viêtminh qui harcelaient son point d'appui.

Le deuxième trimestre 1953 commence, dès le  le 1er avril, par un raid sur Chu (sur la RP 13, à une vingtaine de kilomètres à l'est de Luc-Nam). Le lieutenant Jean-Claude BART qui est en Indochine depuis le 6 février se distingue en entrant le premier dans la ville à la tête de la 9e Cie.

Le 3 avril, le capitaine de MAISON ROUGE prend officiellement le commandement du BM/21e RIC (prise d'armes en présence du général COGNY et du colonel KERGARAVAT).

6 avril, changement des compagnies opérationnelles : la 11e Cie prend la place de la 10e Cie à Cuong Son ; la compagnie franche prend Chi Tac et Mo-Son ; la 12e Cie prend celle de la 9e à Cam Ly et Bai Thao. Maurice est affecté au point d'appui de Cam Ly.Celui-ci, du fait des fortes pluies qui inondent la région, ne peut être ravitaillé que par LCT.

Fin 1950, le poste de Cam Ly, construit par des Nord-Africains, se présentait sous la forme d'un poste saharien : une tour centrale, trois blockhaus reliés par un mur de briques, le tout entouré d'un réseau de barbelés doublé de plusieurs haies de bambous entrecroisés. [Cf. Paul PÉRILLAUD.] En mars / avril 1951 il avait été renforcé par des blockhaus en béton armé, travaux réalisés par la 1e Compagnie du 31e bataillon de marche du Génie. Il est armé d'une pièce d'artillerie dont le type varie suivant les dates (canon de 57 sous tourelle, pièce de 75 ou de 105) complétée d'un mortier et d'une mitrailleuse de position. Le point d'appui de Bai Thao, qui se situe à 5 km à vol d'oiseau de celui de Cam Ly, a également été construit au premier trimestre 1951 par la 1e Cie du 31e BMG. Il est habituellement tenu par une section de la compagnie déployée à Cam Ly relevée tous les mois.

Le bataillon opérationnel, constitué des 9e et 10e compagnies, de la compagnie Thô et de la CCB, intervient dans les provinces de Haï-Duong et de Hung-Yen. Le 17 avril, l'attaque du village de Psung-Xa dans le canton de Yen-My (province de Hung-Yen) fait plusieurs morts, dont le lieutenant BART ; il est décoré de la Légion d'honneur à titre posthume.

Le 25 avril, une opération dans le sous-secteur du camp Érulin est montée par le capitaine Roland de MECQUENEM, commandant du V/7e RTA. Le groupement, placé sous le commandement du capitaine Jean HÉNON (normalement commandant de la 11e Cie du BM/21e RIC), est constitué de trois compagnies : deux compagnies du BM/21e RIC, respectivement aux ordres du sous-lieutenant NHAY (deux sections de la compagnie franche et deux sections de Tu Xuyen) et du lieutenant DESHORS (deux sections de la 11e Cie et deux sections du quartier de Bao Dai), et une compagnie du II/5e REI. Au cours de cette opération, le 2e classe Ghislain BRICHARD est mortellement blessé lors de la prise de Thon Gao. [Le camp Érulin, camp de base des tirailleurs du V/7e RTA, était un ensemble d'ouvrages fortifiés situé sur la RP 13 au Col des ananas, entre Bac-Giang et Luc-Nam. Initialement dénommé « camp japonais », il avait été rebaptisé « camp Érulin » en 1951 après la mort du colonel André ÉRULIN, le 28 juin 1951, des suites de blessures reçues alors qu'il commandait le GM4.]

Le 6 juin, la 10e Cie, la compagnie de marche Thô, deux sections de la 9e Cie et de la 12e Cie, une section de la compagnie franche et le Commando 7 participent sous le commandement du capitaine de MAISON ROUGE à une opération de police et de pacification dans la région du Bac Lung. Quinze Du Kich sont arrêtés et des soins médicaux sont donnés à trois cent enfants nécessiteux.

Entre le 13 juin et le 1er juillet, le bataillon opérationnel participe à des opérations dans les provinces du Hung-Yen et du Haï-Duong ; les combats pour l'occupation du village de Pham-Xa, les 23 et 24 juin, font plusieurs morts.

Le 16 juin, le capitaine SAVARY, muté, quitte le BM/21e RIC. Le 22 juin, le lieutenant DAVID, également muté, quitte à son tour le bataillon et le commandement de la 12e Cie. Le 28, le lieutenant BONAMY, nouvellement affecté au bataillon, rejoint Luc Nam. Le 2 juillet, le lieutenant JACQUEMOUD-COLLET prend le commandement de la 10e Cie en remplacement du capitaine DENIS, rapatriable. Le capitaine DENIS, athlétique officier de la coloniale parlant couramment les dialectes montagnards, était déjà le commandant de la 10e Cie du III/21e RIC en janvier 1950.

De fortes précipitations provoquent l’inondation du sous-secteur. Les eaux atteignent une cote inhabituelle, coupant les routes et créant de nombreux dégâts dans les vieux postes. Au pont de Mo-Son, l’eau monte dans les blocs jusqu’à hauteur du genou. À Cam Ly, Maurice indique que, malgré une amélioration de la météo mi-mai permettant aux camions amphibie d'accéder au point d'appui deux fois par semaine, la pluie et les inondations sont réapparues à partir de début juin, isolant de nouveau le PA.

Le 10 juillet, sous le commandement du capitaine PICHAT du 3e REI, départ du bataillon opérationnel composé des 9e, 10e Cie et de la compagnie de marche Thô pour la région de Binh Di, à une dizaine de kilomètres au sud-est de Haï-Duong ; il y relève le III/4e RTM. Jusqu'à la fin du mois, les hommes du 21e RIC vont y effectuer diverses opérations d'ouverture de route, de patrouilles et d'embuscades, ainsi que la protection du barrage de Bin Dhi et des travaux d'aménagement d'un point d'appui à Mo Doan.

Le 16 juillet, un bataillon de marche est constitué à partir de quatre compagnies du secteur de Bac Ninh, dont la 10e Cie du BM/21e RIC. Ce bataillon doit participer à une opération sur Chu à laquelle participent également trois pelotons du RBCEO (Régiment blindé colonial d'Extrême-Orient), une section de génie du 31e BMG, trois compagnies de supplétifs, les Commandos 7 et 9, et le 3e groupe d'artillerie du Régiment d'artillerie coloniale du Maroc (RACM). Les inondations ralentissent considérablement la progression du groupement opérationnel qui est contraint de se replier sur Luc-Nam.

Le 17 juillet, Maurice est de passage à Luc-Nam. Dans la nuit du 17 au 18, il est réveillé vers 04h00 du matin par une violente explosion : le centre de ravitaillement en carburant (CRC) du point d'appui de Luc-Nam a été saboté et flambe. 37 000 litres d’essence seront sauvés, mais 45 000 litres auront brûlé.

29 juillet : sérieux accrochage sur la route de Cam Ly à Baï-Thao qui fait plusieurs morts dans les rangs du BM/21e RIC [probablement de la 12e Cie].

1er août, rotation des compagnies entre le bataillon opérationnel et les quartiers : la 10e Cie devient compagnie de garnison ; la Compagnie Thô relève la 11e Cie à Cuong Song et Chi Tac, et la compagnie franche à Mo-Son ; la 9e Cie remplace la 12e Cie à Cam Ly et Bai Thao. Les rotations entre Cam Ly et Bai Thao se font par LCM de la Dinassaut 1. Le 13 août, la compagnie franche va à son tour remplacer la compagnie de supplétifs de Bai Thao et, le 14 août, une nouvelle compagnie est créée à partir de la 345e CSM (13e Cie du BM/21e RIC).

Le 6 août, l'adjudant Pierre ADER, chef du Cdo 7, et un soldat autochtone sont blessés par mine lors d'une opération dans la région de Bai Thao. Ils sont évacués par amphibie sur Luc Nam et, de là, en Morane sur Hanoï L'adjudant ADER est remplacé à la tête du Cdo 7 par l'adjudant HENRIOT, précédemment au Cdo 2, puis, à compter du 26 septembre, par le lieutenant LAMBERT du I/3e  REI.

Le 11 août, l’adjudant Georges PRÉAUD prend la succession de l'adjudant VALLET à la tête de la 347e CSM à Thanh Ra.

Le 16 août, le bataillon opérationnel est constitué par trois compagnies du BM/21e RIC (11e Cie du capitaine HÉNON, 12e Cie du lieutenant Raymond DURUPT, 13e Cie du sous-lieutenant Jacques PISSARD) et une compagnie du V/7e RTA du camp Érulin. Sous le commandement du capitaine PICHAT (avec comme adjoint le lieutenant BONAMY), il se rend à Hanoï où il embarque sur un LCT pour Phuong Tru sur le Fleuve Rouge, à une vingtaine de kilomètres au sud de Hanoï. Après de légers accrochages avec des éléments du Bataillon régional 76, le bataillon poursuit vers Nghi Xuyen, où il embarque à nouveau sur LCT pour Hung-Yen. Le 19, lors du nettoyage d'une série de villages au nord-est de Hung-Yen, un tirailleur de la compagnie du V/7e RTA est tué. Retour sur Luc-Nam en camions le 20 août.

Le 26 août, le bataillon opérationnel, cette fois-ci sous le commandement du capitaine de MAISON ROUGE, lance une reconnaissance dans la région de Dum. Divers accrochages mineurs sans pertes amies.

La saison des pluies tire à sa fin : le temps couvert et venteux, parfois accompagné de pluies, mais la température est plus supportable.

Le 21 septembre, le bataillon opérationnel aux ordres du capitaine GONDRAIN (12e et 13e Cies, compagnie franche, CCB), embarque sur GMC à destination de Duong Xa sur la RC 5 à quelques kilomètres de Ke-Sat (Hai-Duong). Il va participer aux côtés du GM5 aux opérations Brochet visant à détruire le TD 42 et ses bases au nord du canal des Bambous. À partir de Duong Xa, le bataillon descend progressivement vers le sud-est, effectuant des opérations de reconnaissance et de fouille des différents villages rencontrés, jusqu'à Bat Nao à proximité d'An Cu où il arrive le 26 septembre. Le 27, le sergent Maxime BOCHARD est tué en sautant sur une mine lors de la prise du village de Trieu Noï. Un peu plus tard dans la journée, le 1re classe Jean PÉQUIGNOT, de la 12e Cie, est tué lors de l'attaque de Phu-Noï. Jusqu'au 3 octobre, date de son retour à Luc-Nam, le bataillon opérationnel va rayonner autour de Bat Nao, poursuivant la fouille des villages et rizières de la région.

Après une courte pause, le bataillon opérationnel repart le 6 octobre pour Dai Trang, à proximité de Bac Ninh, avant, le lendemain, de rejoindre Tho Cau dans le Hung-Yen (opération Brochet 3. Le bataillon, aux ordres du capitaine POITEVIN, du I/6e RIC, est constitué d'éléments de la CCB (lieutenant Noël PENHOAT), de la 12e Cie (lieutenant DURUPT), de la compagnie franche (lieutenant NHAY), de la 13e Cie renforcée par une section de la 357e CSM (sous-lieutenant PISSARD) et de la 4e Cie du I/6e RIC (lieutenant LALÈS). [Cf. le livre d'Yves LALÈS, La piste de Cam Ly, France Europe Éditions, 2004, pp. 132 à 146.] Le bataillon progresse les jours suivants en direction de l'est, dans une région fortement piégée et en étant régulièrement harcelé par les Viets-Minhs. Le 11 octobre, les combats font deux morts et plusieurs blessés, dont le sergent-chef OLRY (blessé par mine), le sergent BOUCHERIE de la 13e Cie (également blessé par mine) et le sergent-chef SALMON de la CCB (blessé dans une chausse-trappe). Retour sur Luc-Nam en camions le 13 octobre.

Le 13 octobre également, avec des moyens prélevés dans les unités du sous-secteur (10e Cie, compagnie de marche Thô, détachement muletier, Commando H, 342e et 357e CSM), le BM/21e RIC effectue un raid sur Lam avec la Dinassaut. Cette opération est suivie le 15 octobre par une nouvelle opération combinée dans la région de Quynh Son, mettant en œuvre les mêmes éléments complétés par un détachement de la 9e Cie.

Le capitaine MERLET, nouvellement affecté au BM/21e RIC, rejoint Luc-Nam pour y prendre le commandement du bataillon opérationnel (compagnie franche, 12e et 13e Cies, éléments de la CCB).

Le 24 octobre, la 12e Cie relève la 11e Cie à Bai Thao, laquelle la remplace au sein du bataillon opérationnel. Maurice est chargé avec quelques « rombiers » (sic) des liaisons entre Luc Nam et la 12e Cie : le trajet entre Luc-Nam et Cam Ly est effectué en véhicule amphibie, et celui entre Cam Ly et Bai Thao à pied.

Le 31 octobre, dans le sous-secteur de Luc-Nam, un soldat autochtone est tué lors de l'accrochage d'une patrouille de la 10e Cie par un élément viêtminh.

Fin octobre / début novembre, le bataillon opérationnel effectue plusieurs missions au profit du sous-secteur du camp Érulin. Au cours de celles-ci, il est renforcé par la 4e Cie du I/6e RIC [cf. Yves LALÈS, pp. 166 à 169] ainsi que, occasionnellement, d'un peloton de chars du camp Érulin.

Le 9 novembre, une Dodge 4x4 saute sur la piste de Bai Thao. Le conducteur est fortement contusionné.

Du 21 au 23 novembre, le bataillon opérationnel (11e et 13e Cies, éléments de la CCB, 1e Cie du V/7e RTA, peloton de chars du camp Érulin), toujours sous le commandement du capitaine MERLET, participe à l'opération Ventoux dans la région de Sept Pagodes. Le 22, le sous-lieutenant PISSARD est blessé.

Le 1er décembre, relèves de Bai Thao et de Cuong Son : la 12e Cie (lieutenant DURUPT) quitte Bai Thao et va occuper le point d'appui de Cuong Son. Elle est remplacée à Bai Thao par la 10e Cie (lieutenant JACQUEMOUD-COLLET) précédemment stationnée à Luc-Nam Petit Piton. La compagnie de marche Thô (capitaine Marcel POMPEY) quitte Cuong Son pour être intégrée au bataillon opérationnel stationné à Luc-Nam. Mouvements effectués sans incident.

Outre Cuong Son, la 12e Cie est en charge, sur la route qui mène à Cam Ly depuis ls postes de Chi Tac et de Nui-Voi-Te. À la 12e Cie, les rapatriables n'étant quasiment plus remplacés, il n'y a plus que trois sous-officiers et soldats européens : le sergent Maurice MILLOUR et deux caporaux-chef. L'un des deux caporaux-chef commande le poste de Chi Tac, tandis que Maurice et le deuxième caporal-chef ont été détachés de la 12e Cie pour encadrer la 342e CSM déployée à Nui-Voi-Te. Ce piton, qui culmine à 360 m, est plus un observatoire qu'un réel point d'appui : il permet d'observer à la binoculaire l'ensemble du delta, mais surtout de surveiller la zone viêtminh à l'est de Luc-Nam et en particulier la vallée de Lang Quyn. Couverte d'herbes à éléphants, la crête est simplement aplanie et forme une aire ovale. Sa seule protection consiste en un muret d'enceinte en pierres sèches renforcé de rondins liés par des fils de fer barbelés, avec quelques créneaux en guise d'emplacements de combat. À l'intérieur, au dessus des soutes à munitions, un petit ouvrage surmonté d'antennes radio constitue le logement du chef de poste [cf. Paul PÉRILLAUD, pp. 128 à 131]. Les armes collectives consistent en un mortier de 81, une mitrailleuse de 12,7 et deux mitrailleuses de 7,62, probablement complétés par quelques FM. Les supplétifs sont une cinquantaine de différentes ethnies, Chinois, Thôs, Nungs, Annamites, mais sans que ceci ne pose de problème particulier. Beaucoup d'entre eux sont installés à Nui-Voi-Te avec femme et enfants. Aucune route ne desservant Nui-Voi-Te, les visiteurs sont rares et le ravitaillement se fait par mulets. D'après le commandant du bataillon, Maurice devrait rester à ce poste pour au moins six mois.

Le 5 décembre 1953, le capitaine de MAISON ROUGE cède officiellement le commandement du bataillon, et des sept compagnies de supplétitfs qui lui sont alors rattachées, au capitaine Vincent MONTEIL, ancien de l'expédition de Corée. [Cf. le livre de Vincent MONTEIL : « Soldat de fortune ».]

Prise d'armes le 3 décembre en présence des généraux COGNY, AGOSTINI et du colonel LECOQ.

Alors qu'au second semestre 1953 le sous-secteur de Luc-Nam semble avoir été relativement calme, on note une augmentation des activités du Viêtminh à partir du mois de décembre. Celle-ci se concrétise notamment, le 3 décembre, par la mort du sergent-chef Marcel KESSLER à Bai Thao, et par celle du sergent Yves LE FUR, de la CCB, le 7 décembre à Tu-Xuyen – tous deux par mine.

Le 17 décembre, un groupement aux ordres du commandement du capitaine LEGENDRE, du V/7e RTA, est formé avec la 9e Cie du BM/21e RIC (lieutenant Pierre LAPALU) et une compagnie du V/7e RTA. Sa mission est de réoccuper le poste de Gia-Loc (province de Haï-Duong) qui avait été pris et détruit par le Viêtminh. Au cours de cette opération, le lieutenant LAPALU est grièvement blessé en sautant sur une mine. Le lendemain, le lieutenant PENHOAT de la CCB prend le commandement de la 9e Cie. Le 1er janvier 1954, le lieutenant LAPALU sera décoré de la Légion d'honneur à l'hôpital Lanessan par le général AGOSTINI. 

Le 21 décembre, l'adjudant PÉRILLAUD, qui depuis le mois de mars était affecté comme instructeur à l'école des sous-officiers de l'armée vietnamienne de Quang Yen, rejoint la 10e Cie du BM/21e RIC.

Fin décembre 1953, dans le cadre du plan NAVARRE, le V/7e RTA du chef de bataillon de MECQUENEM, qui occupait jusque là le camp Érulin, devient « opérationnel » et rejoint Dien-Bien-Phu pour participer à l'opération Castor. [Le V/7e RTA se verra attribuer la défense de Gabrielle. Dans la nuit du 14 au 15 mars, la position sera enlevée par les Vietminhs ; le chef de bataillon de MECQUENEM, blessé, sera fait prisonnier.] Son sous-secteur, temporairement tenu par des éléments du 5e RIC, est partagé le 9 janvier 1954 entre le I/6e RIC de Phu Lang Thuong et le BM/21e RIC de Luc-Nam qui deviennent des unités intégralement « implantées ». Le camp Érulin, les points d'appui « E », « F », « G » et le Poste des Ananas passent au sous-secteur de Luc-Nam : la 10e Cie du lieutenant JACQUEMOUD-COLLET occupe les PA « E », « F », « G » près du village de Son Dinh, une partie de la 9e Cie, aux ordres du lieutenant PENHOAT, prend possession du camp Érulin, tandis que les autres éléments de cette compagnie, aux ordres de l'adjudant-chef MONG TE CAO, occupent le Poste des Ananas. Précédemment, le 16 décembre, le Cdo 7 avait également pris ses quartiers au camp Érulin.

Pas d'activité notable au poste de Nui-Voi-Te, si ce n'est, dans la nuit du 21 décembre, l'enlèvement par le Viêtminh de 2 000 m de fil téléphonique entre les postes de Cuong Son et Nui-Voi-Te, puis, dans la nuit du 31 décembre, de 3 000 m de fil téléphonique.


1954

Le sous-secteur de Luc-Nam, qui était jusqu'à présent rattaché au secteur de Bac Ninh, est désormais rattaché au secteur de Sept Pagodes.

Toujours dans le cadre du plan NAVARRE, il a été décidé de confier à des gardes ou gendarmes le commandement des compagnies de supplétifs militaires, ceci afin de libérer les sous-officiers d'infanterie ou coloniaux qui en avaient précédemment la mission, et d'augmenter dans les unités combattantes le nombre de cadres européens qui font cruellement défaut. Fin février, le sergent Maurice MILLOUR doit donc abandonner le commandement de la 342e CSM et du PA de Nui-Voi-Te. Contrairement à ce que lui avait annoncé le capitaine de MAISON ROUGE, il ne sera resté que trois mois à ce poste, au lieu des six prévus.

À sa déception, Maurice n'est pas réaffecté dans une unité opérationnelle, mais se voit confier le commandement du poste de Mo-Son. La durée prévue pour cette nouvelle mission est de trois mois. Le poste de Mo-Son est un petit poste situé à environ quatre kilomètres à l'ouest de Luc-Nam, sur la RP 13 rejoignant Bac-Giang. Il est constitué d'une tour en parpaings et de deux petits blockhaus gardant l'accès d'un pont métallique Bailey d'une cinquantaine de mètres. Ces ouvrages ont été construits à l'été 1950 par la 1ère compagnie du 31e bataillon de marche du génie : 28 juillet 1950, lancement du pont de Mo-Son et rétablissement, pour jeeps, de la RP13 jusqu'à Luc Nam.

Outre le chef de poste européen, son effectif est constitué d'une vingtaine de supplétifs. Ils ont interdiction de sortir de la tour et passent le temps en surveillant le traffic de véhicules relativement important.

Le 22 janvier, l'adudant ADER reprend le commandement du Cdo 7.

Le 5 mars 1954, une patrouille de Bai Thao se fait accrocher par un fort élément viêtminh. Deux soldats du BM/21e RIC sont tués, dont le 2e classe Roger COURVOISIER.

Le 13 mars, la compagnie franche fait mouvement sur le secteur de Sept Pagodes. Le 21, un élément de cette même compagnie, en ouverture de la RP 18 entre Sept-Pagodes et Mat Son, tombe dans une embuscade tendue par un bataillon viêtminh. Les pertes amies sont conséquentes : deux tués, deux blessés et onze disparus.

Le 25 mars, la 11e Cie relève à Son Dinh la 10e Cie qui va renforcer des éléments du 13e RTS à Sept Pagodes.

Suite à la chute de Dien-Bien-Phu le 7 mars 1954, le Viêtminh veut rapidement s'assurer le contrôle du delta tonkinois. Ses actions dans le sous-secteur de Luc-Nam se font de plus en plus nombreuses : pose de mines et coupure des routes, harcèlement des postes et attaque des villages ralliés... Inversement, compte-tenu de l'augmentation des activités du Viêtminh, les embuscades du 21e RIC sont plus efficaces, causant de nombreuses pertes dans ses rangs.

Le 27 mars, la colonne de ravitaillement de Baï-Thao tombe dans une forte embuscade viêtminh sur la route reliant Cam Ly à Baï-Thao, causant de lourdes pertes importantes à la compagnie muletière [1er peloton de la 555e Compagnie Muletière ?] et aux partisans. Une vigoureuse action de dégagement, aux ordres du capitaine MONTEIL, permet de dégager Baï-Thao dès le lendemain. Du côté ami, les forces en présence sont composées, outre les soixante-dix tirailleurs de la garnison de Baï-Thao aux ordres du capitaine POMPEY [il s'agit donc de la compagnie de marche Thô] : des troupes d'intervention du sous-secteur aux ordres du lieutenant Hervé LE HOUELLEUR, à savoir, deux sections du Cdo 7 (adjudant ADER), une section de la Cie franche (sergent HUU), la 12e Cie (sergent MARTINETTI) et un élément de feu et de recueil fourni par les mortiers de la CCB ; d'une section de la 11e Cie (sergent-chef ROSNEN) sur les pitons et de la 3e Cie du BM/13e RTS (lieutenant BROUSSEAU). Au cours de cette opération, le chef de poste de Baï-Thao, l'adjudant-chef Émile LUPFER du 21e RIC, est tué. Les pertes ennemies sont de quatre-vingt treize tués.

Le 12 avril, le capitaine MERLET est détaché au secteur de Sept-Pagodes où il prend le commandement du quartier autonome. Le 17, le Lieutenant DURUPT passe de la 12e Cie à la CCB ; le lieutenant LE HOUELLEUR, également de la 12e Cie, passe à la CMT ; le Lieutenant BAYET, de la CMT, le remplace à la 12e Cie et le sous-lieutenant PISSARD passe de la 10e Cie à la CCB.

Enfermé dans son poste à Mo-Son, Maurice souffre de la chaleur. Il aimerait pouvoir s'installer sur le pont où il y a un peu plus d'air et moins de moustiques. Le 9 avril, l'artillerie de Luc Nam tire sur un convoi viêtminh au nord de Mo-Son ; résultats inconnus. La saison des pluies a débutée et à la fin du mois d'avril  le niveau de la rivière a déjà augmenté de deux mètres. Cela va faire trois mois que Maurice est le chef de poste de Mo-Son et il espère, mais sans trop y croire compte tenu de la pénurie de cadres européens, être bientôt relevé.

Le 25 avril, la 2e section de la 10e Cie est en charge de l'ouverture de route depuis Sept Pagodes vers le Sud, en direction de Haï-Duong. Lors du franchissement du Canal des Rapides en sampan, les hommes du 21e RIC sont pris sous les tirs croisés de fusils-mitrailleurs viêtminh, sans aucune protection. Il en résulte dix-huit tués : huit réguliers, dont un sergent, et dix supplétifs.

Le 28 avril, après vingt sept mois passés en Indochine, le caporal-chef LAGNEAUX (nommé caporal le 1er mars 1953, puis caporal-chef le 1er octobre 1953) quitte le BM/21e RIC en vue de son rapatriement. L'accompagnent l'adjudant-chef René CAILLEUX, le sergent Abdallah BEN TAYEB ainsi qu'un autre caporal-chef et deux soldats.

Le 1er mai, la 10e Cie quitte Sept Pagodes pour Luc-Nam. À son arrivée, le capitaine MONTEIL confie à l'adjudant PÉRILLAUD la mission de lever une nouvelle compagnie de partisans. PÉRILLAUD a comme adjoint le sergent HERVÉ, un ancien de Corée

Le 8 mai, deux soldats autochtones réguliers sautent sur une mine de l'ouverture de route entre Chi Tac et Cam Ly. Le même jour, à quelques kilomètres au nord de Duoc Son, la protection de route est harcelée et deux supplétifs sautent sur mine (un tué).

Le 17 mai, une patrouille partie de Cuong Son est accrochée, un sergent autochtone est tué. Le lendemain, un autre sergent autochtone du Commando 41 du secteur de Sept Pagodes est tué au cours d'une reconnaissance près du village de Trai Ma, à 3 km au nord de Sept Pagodes. Le 19 mai, le garde Maurice DAUBAIRE de la 3e LMGR, détaché au 21e RIC au début du mois, se noie accidentellement dans le Song Luc-Nam.

Dans la nuit du 30 mai au 1er juin, le Viêtminh fait sauter une alvéole du dépôt d’essence de Luc Nam : 20 000 litres de carburant brûlent. Maurice, qui est toujours à Mo-Son – le commandant lui a fait comprendre qu'à moins de nouveaux renforts il y sera encore pour un certain temps – a assisté au « feu d'artifice ». Il écrit à son frère Christian qu'il a rencontré deux militaires qui le connaissent et qui lui donnent le bonjour : le lieutenant parachutiste RÉTO, commandant du Cdo H, qui l'a connu à Strasbourg et l'adjudant MALLERAN [orthographe incertaine] de la propagande militaire à Hanoï, qui était avec lui en Indochine en hiver 1946 [probablement au 21e RIC].

Le 1er juin, le capitaine POMPEY quitte la CMT pour la CCB. Il prend le commandement du quartier de Than-Ra, à 5 km au nord de Luc-Nam. Le lieutenant LE HOUELLEUR le remplace à la tête de la CMT et le lieutenant Alain BONAMY prend la 10e Cie. Il y remplace le lieutenant JACQUEMOUD-COLLET, prochainement rapatriable, qui est affecté à la CCB.

Le 8 juin, une patrouille de Tu-Xuyen est accrochée et un supplétif tué. Le 10 juin, le sergent-chef Marcel ROSNEN de la 11e Cie est tué par un tirailleur qui déserte.

Les embuscades, tant amies qu'ennemies, se multiplient, de même que les harcèlements des postes par le Viêtminh, auxquels répondent les tirs de mortier et d'artillerie.

Le 28 juin, le lieutenant DURUPT est rapatrié pour fin de séjour. (Il embarque le 5 juillet sur le Pasteur.)

Les différents postes du secteur de Luc-Nam, en particulier ceux du camp Érulin et de Chi Tac, font l'objet de multiples attaques de la part des troupes régulières viêtminh, notamment de la part du td 80 [td : tieu doan, bataillon]. Luc-Nam se retrouve de plus en plus isolée et se transforme progressivement en un camp retranché. La fin du bataillon de marche du 21e RIC se rapproche...

Le 1er juillet, une ouverture de route à quelques kilomètres au nord de Sept Pagodes (village de Duoc Son) fait quatre morts, dont le sergent Marcel GIRARD de la 10e Cie.

Le 6 juillet, la route de Luc-Nam à Sept Pagodes, ultime sortie vers le delta tonkinois, est coupée entre Cuong Son et Chi Tac. Le poste de Chi Tac peut être dégagé en fin de soirée par une vigoureuse intervention du Cdo 7 et de la compagnie de supplétifs de l'adjudant PÉRILLAUD. Les pertes amies sont de quatre tués pour le Cdo 7 et de quatorze blessés parmi les supplétifs et miliciens. Les pertes ennemies dénombrées sont de trente-deux tués appartenant à la dai doi 395 [dai doi : compagnie] du td 89, un bataillon de la DD 308 [DD : Dai Doan, division].

Le 7 juillet 1954, le Sergent Maurice MILLOUR est tué à Mo-Son ; il avait 29 ans.

Extraits du JMO (Journal des marches et opérations) du bataillon de marche du 21e RIC pour la journée du 7 juillet 1954 :


 
01h30 Explosion en direction du poste de Mo-Son. Début d’alerte. Le poste de Mo-Son, appelé par radio et téléphone, ne répond pas. Exécution de quatre tirs d’arrêt par l’artillerie de Luc-Nam autour du poste de Mo-Son.
03h00 Tirs Pozit (3 fusants haut + 3 minutes) déclenchés sur Mo-Son.
03h45 Deux obus éclairants envoyés sur Mo-Son. Observation ne donne aucun renseignement.
04h30 Deux explosions observées sur Mo-Son.
04h40 Mo-Son ne répond toujours pas aux appels.
07h50 Deux rescapés du poste de Mo-Son arrivent au poste de Luc-Nam et signalent poste et pont détruits, garnison du poste anéantie.
--- Deux autres rescapés rentrent de Mo-Son et signalent des blessés restés au poste.
14h00 Ouverture de route sur Mo-Son terminée. Eléments du point d'appui de Luc-Nam envoyés sur place relèvent quatre blessés graves et dénombrent cinq cadavres amis dont le chef de poste européen, le sergent MILLOUR. Eléments intervention accrochés à Mo-Son par unités Viêtminh évaluées à deux compagnies.

 

Note : L'obus Pozit est une innovation technologique utilisée pour la première fois par l'armée américaine en décembre 1944. L'obus est équipé d'une fusée de proximité conçue pour le faire exploser à une hauteur précise au-dessus du sol. Ceci permet notamment d'atteindre les ennemis entourant un bâtiment ami sans que celui-ci ne soit détruit.

L'attaque du poste de Mo-Son a été effectuée par la dai doi 41 du td 84 [compagnie 41 du bataillon 84]. Outre Maurice, cinq autres soldats seront finalement déclarés tués lors de celle-ci : le 2e classe Rémy VARLET et les quatre supplétifs VY VAN PHUNG, LANG NGUYEN PHUC, VY VAN KIM, NGO KHAN VAN.

Dans son livre, l'adjudant PÉRILLAUD raconte que, courant juin, il était passé devant les débris de la tour de Mo-Son « sous lesquels sont les cadavres du caporal-chef européen et de ses supplétifs ». Il a nécessairement confondu les dates et les grades, puisque les lettres envoyées par Maurice à sa famille attestent qu'il était toujours à Mo-Son courant juin, et qu'en outre le JMO du BM/21e RIC n'y mentionne aucun combat dans cette même période.

L'acte de décès de Maurice a été rédigé par le lieutenant Jacques ROZÈS, sur déclaration du maréchal des logis Max PIN (infirmier), tous deux du bataillon de marche du 21e RIC.

Extrait du décret en date du 19 janvier 1955 publié au Journal officiel du 23 janvier 1955 portant concessions de la Médaille Militaire.

Le Président de la République décrète qu'est décoré de la médaille militaire à titre posthume :

MILLOUR Maurice - Sergent - bataillon de marche / 21e régiment d'infanterie coloniale - Matricule 164 - recrutement de Saïgon  :

Sous-officier d'un courage remarquable. Chef de poste de Mo-Son (Nord-Vietnam), a été attaqué, dans la nuit du 6 au 7 juillet 1954, par un commando rebelle très supérieur en nombre. A été mortellement blessé au cours d'un combat acharné.

Cette concession comporte l'attribution de la croix de guerre des Théâtres d'opérations extérieures avec palme.

À Paris le 19 janvier 1955
Signé : R. COTY


Le 11 juillet, le poste de Nui-Voi-Te, défendu par une trentaine d'hommes, est attaqué et tombe à son tour. Onze supplétifs sont portés disparus, quatre sont blessés. Parmi les rescapés, le garde chef de poste [probablement celui qui avait remplacé Maurice à ce même poste] et son adjoint, un caporal européen.

Le 12 juillet, des combats à proximité de Mo-Son font trois morts et deux blessés parmi les supplétifs. Le même jour, un groupement mobile part de Bac-Giang pour ouvrir la RP 13 et rompre l'isolement de Luc-Nam. Des blindés appuyés par l'aviation sont engagés à proximité du camp Érulin, mais ils ne parviendront pas à faire la jonction avec la garnison du camp : ils auraient finalement été rappelés à Hanoï pour le défilé de la fête nationale...

L'adjudant ADER ayant été de nouveau blessé, le maréchal des logis-chef VAILLANT, du Cdo 40, prend le commandement par intérim du Cdo 7 à compter du 12 juillet.

Le 14 juillet à 21h30, après trois jours et trois nuits de combats qui opposent l'effectif d'une compagnie à un bataillon, le camp Érulin est définitivement abandonné. Les pertes du 21e RIC sont très lourdes : vingt-huit morts, dont le sergent Léonard de FRANCESCHI de la CCB, vingt-deux disparus, dont le sergent Jean VACHEZ et le caporal Léopold BARNELLE, tous deux supposés prisonniers, et vingt-neuf blessés, dont le lieutenant RÉTO et l'adjudant Émile CHAMBERLAND de la 9e Cie. De leur côté, les Viêtminh laissent sur le terrain cent huit cadavres...

De nouvelles opérations sont lancées dans le but, sans succès, de désenclaver Luc-Nam :

La chute de Dien-Bien-Phû et les négociations des accords de Genève génèrent une atmosphère de défaitisme et de panique chez certains tirailleurs, inquiets de leur avenir. Dans la nuit du 17 au 18 juillet, au poste de la cote 180 qui couvre Luc-Nam au nord, les supplétifs du bataillon de marche du 21e RIC préfèrent passer à l'ennemi après avoir assassiné pendant leur sommeil le chef de poste, le sergent Guy DOHY de la CCB (jeune sergent de 21 ans venant du Bataillon de Corée), et son adjoint le caporal Raymond SOURDIN.

Compte tenu des pertes au camp Érulin et à la cote 180, la Compagnie de Marche Thô, qui était détachée à Sept Pagodes, est rappelée en renfort. La quasi totalité des différents postes du BM/21e RIC est harcelée en permanence par fusils, armes automatiques, lance-grenades ou mortiers.

Le 27 juillet 1954 à 7 heures, ordre est donné de cesser le feu dans le Nord-Vietnam. Le 1er août 1954, à l'issue d'une cérémonie d’adieu aux morts enterrés au cimetière de Luc-Nam, les couleurs sont amenées et le point d'appui de Luc-Nam est évacué. Le 10 août, la Cie franche, qui est toujours aux ordres du lieutenant NONG VAN NHAY, est dissoute. Le 11 août, la Compagnie de Marche Thô est également dissoute.

Le 30 septembre 1954, le bataillon de marche du 21e RIC devient le 3e bataillon du 23e RIC.

Liste, non exhaustive, des personnels ayant été présents au bataillon de marche du 21e RIC en 1953 et 1954 : [Effectifs-BM-21eRIC.pdf]

Éloge funèbre à la mémoire de Maurice paru dans le Télégramme de Brest du vendredi 13 août 1954 : [À la mémoire d'un brave]



1948 / 1951
4e BMEO