Ces pages sont consacrées à la carrière militaire de mon oncle Maurice MILLOUR. Celle-ci a commencé en mars 1945 contre les Japonais ; elle s'est ensuite poursuivie fin 1945 par une mission au Laos au sein du Service Action de la DGER, puis par deux séjours en Indochine. Il est tué au Tonkin quelques jours avant le cessez-le-feu de juillet 1954.
MAQUIS INDOCHINOIS AVEC MARCEL NER |
Début 1945, la résistance indochinoise qui, en cas de coup de force japonais, est chargée de mener des actions de guérilla au sein du Service Action (SA), regroupe plusieurs centaines de participants européens, souvent étudiants et lycéens, répartis en sections de quelques dizaines d'hommes généralement encadrés par des militaires. Il existe six de ces sections à Hanoï, une à Nam Dinh, une à Haïpong, une au Tam Dao et une à Than Hoa. Celle du Tam Dao est sous la responsabilité de Marcel NER, agrégé de philosophie né en 1888, associé à l'École française d'Extrême-Orient de 1929 à 1937, puis correspondant de celle-ci en 1937, 1940 et 1943. Marcel NER est notamment l'auteur en 1937 d'une monographie de référence concernant les Chams, peuple musulman des hauts plateaux du centre Vietnam.
Maurice MILLOUR, qui au début de la guerre fréquentait le Lycée Albert Sarraut de Hanoï, poursuit ses études dans la station d'altitude du Tam Dao où la grande majorité des femmes et des enfants européens habitant Hanoï a été évacuée au début de 1944. Son professeur de philosophie est Marcel NER qui, secondé par Jean ORSATELLI, anime donc la section du SA du Tam Dao [1]. Certains lycéens de cette section suivent à Hanoï, ou dans les collines autour de la station, des cours d'instruction donnés par des militaires sur le maniement des armes, l'usage des explosifs et des dispositifs de sabotage, le tout avec exercices réels. Ils effectuent également des missions de transport d'armes et de cache de matériel autour du Tam Dao. Maurice a officiellement rejoint cette section du SA le 1er octobre 1944.Suite à l'agression japonaise du 9 mars 1945, Marcel NER, alors âgé de 55 ans, va prendre la brousse en direction de la Chine accompagné de quelques-uns de ses élèves. Maurice est parmi eux. Près de Bac Kan, leur petit groupe rejoint des éléments du 9e RIC appartenant au Groupement de la Rivière Claire, sous les ordres du colonel SEGUIN ; début avril il pénètre en Chine. Une partie de cette aventure a été racontée par Marcel NER lui-même et publiée dans les colonnes du numéro 31 du Trait d'Union, hebdomadaire paraissant en Indochine (numéro du 30 décembre 1945). Des extraits de cet article sont reproduits ci-dessous.
Sur un groupe initial d'une trentaine de lycéens, en final seuls quatorze d'entre eux parviendront jusqu'en Chine, les autres ayant rapidement abandonné. Il s'agit de :
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Parmi les élèves qui abandonneront en cours de route et repartiront vers le Tam Dao, il y avait notamment Christian MILLOUR. Maurice n'a pas voulu que son frère l'accompagne : le père officier dans la Citadelle d'Hanoï, le frère aîné élève officier à Tong, lui-même sur la route de la Chine, cela suffit.
Nota :
[1] La section du Service Action du lycée du Tam Dao, rattachée au réseau Bjerring des Forces française combattantes, était elle-même organisée en quatre sous-sections constituée de :
À noter que dans un rapport daté de 1946, Marcel NER donne une composition quelque peu différente de la section du SA du Tam Dao. Il mentionne en particulier comme en faisant partie les élèves suivants qui n'apparaissent pas dans la liste précédente : Roger BANET, Louis BOREL, André BROCHARD, Robert DASSIER (16 ans), Georges DEGRÉMONT (16 ans), Pierre GUILLAUME (19 ans), Pierre LECONTE, Pierre MARCONNET (19 ans), Robert MARCONNET (18 ans), ORSINI, Jacques TREDILLE et Jean VITTORI.
Enfin, quatre jeunes dont Gabriel PRÉMONT et Michel AYMÉ, le fils issu d’un premier mariage de l'épouse du général Georges AYMÉ, commandant supérieur des troupes en Indochine, quitteront le Tam Dao en avril 1945 et seront portés disparus.
RÉCIT
DE
M. NER (complété par des extraits du journal de campagne de M. Paul CASALTA, et souvenirs de M. Michel RAUX) |
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Les bombardements
de Hanoï des 10 et 12 décembre 1943 frappèrent assez durement la
population civile. On décida d'en éloigner les établissements
scolaires qui furent fragmentés et dispersés dans la campagne, sur les
plages ou les montagnes. Je me trouvais ainsi avec mes élèves de
philosophie à quelques 80 kilomètres de la capitale, sur un sommet
dressé brusquement au-dessus des rizières et des eaux de la plaine
tonkinoise. Station d'altitude assez agréable l'été, malgré
l'entassement des estivants dans un cirque étroit, mais qui, 8 mois
par an, s'entoure de nuées si persistantes et si épaisses qu'on ignore
le soleil : on ne voit plus à 10 mètres de soi, alors que, par temps,
clair la vue s'étend à 100 kilomètres à la ronde.
Lieu propice aux bavardages, aux intrigues, à un ennui morbide pour tous ceux qui n'avaient ni idéal ni ressort. Les intoxiqués de « Paroles du Maréchal », acceptant la défaite, la tenant pour définitive et méritée, passaient leur temps à s'entretenir de leurs malheurs personnels : n'était-il pas pénible d'être privé de cinéma, de beurre et de vin, ou d'être enfermé dans ce cirque étroit et nuageux ? D'autres parmi nous savaient apprécier ce lieu favorable au travail, à la méditation, à l'entraînement sur les rudes sentiers de ces pics sauvages qui pourraient un jour nous servir de refuge ou de voies d'évasion, à la préparation méthodique d'une action qui pourrait exiger de nous des jarrets solides, du sang froid, la joyeuse acceptation du risque. Nous savions apprécier aussi le fait que la soldatesque japonaise qui traînait ses sabres dans les rues de Hanoï et des villes de la plaine ne montait pas jusqu'à nous… Malgré la distance, les barrières multiples dressées entre elle et nous, nous vivions par le cœur et l'esprit près de la vraie France, celle qui souffrait sous les bottes allemandes, celle surtout qui combattait, dans l'ombre de la métropole encore serve, ou, drapeaux déployés, sous les cieux d'Afrique, d'Italie et de la France.
…/…
L'approche des armées alliées passant des Iles Salomon aux Philippines, rétablissant des liaisons aériennes terrestres entre la Birmanie et le Yunnan si proche, pouvait associer nos modestes efforts à une action d'ensemble. Aidé d'un de mes « philosophes » je pus organiser au lycée un groupe de combat.
9 mars 1945. Les Japonais décident d'attaquer nos troupes et d'enlever tout pouvoir à l'administration française sur lesquels ils savent que s'exerce de plus en plus fortement l'action de la France libérée ! Ils le font avec leur mauvaise foi ordinaire. Je passai à Hanoï les journées du 8 et du 9. Le 8 l'évidence de certains préparatifs d'attaque avait créé un état d'alerte ; le 9 des émissaires japonais officiels ou officieux se répandirent en paroles de paix. Trop de responsables s’y laissèrent tromper. Je quittai Hanoï deux heures avant l'attaque Japonaise que rien d’apparent ne laissait pressentir.
…/…
Je m’endormis en paix et c'est au matin que par la radio j'appris l'attaque, commencée la veille à 20 heures.
J’étudiai la situation avec l'attention que l’on devine. Toute erreur pouvait provoquer non seulement la mort des jeunes gens qui s’étaient confiés à moi, mais encore de terribles représailles. Les femmes et les enfants évacués composaient effet la presque totalité de le population de la station, on ne pouvait songer à les emmener et je n'ignorais pas à quels excès peut se porter la cruauté nippone. Par malheur la journée était claire et nul de nos mouvements dans le village inquiet ne pouvait passer inaperçu.
L'heure me parut enfin propice. Je partis en promenade, souriant, traversai le centre en compagnie d'un partisan attardé de la collaboration. Il manifestait sa réprobation de l’esprit de résistance qui provoquait des réactions japonaises dont nous aurions peut être à souffrir durement. Je lui répondis avec calme, puis le quittai « pour une promenade dans la forêt ». J'y trouvai mon sac tyrolien, mes jeunes camarades tous présents au rendez-vous. Plus loin était sortie une étrange récolte de mitraillettes et de chargeurs, enterrés assez profond et dans un lieu assez solitaire pour que des indiscrets ne puissent les découvrir.
P. CASALTA :
Après un faux départ le 10 mars 1945, le vrai départ a lieu le 13 à midi par le col de Thai Nguyen. Le groupe comprend deux professeurs et une trentaine d'élèves parmi la quarantaine de résistants du Tam Dao [1]. Arrivé à la pagode de Quanchu, le groupe s'engage sur la route de Hung Son. Vers 22 heures, quelques défections commencent à avoir lieu (fatigue par manque d'entraînement et mauvaises chaussures qui blessent les pieds).
M. RAUX :
Le premier départ avait été effectué dans la nuit du 10 au 11 mars. Mais lorsque nous avons commencé à redescendre vers la vallée, nous y avons aperçu des feux et des ombres en mouvement. Par prudence, craignant de tomber sur des Japonais, il avait alors été décidé de rentrer au Tam Dao et de repartir le surlendemain, mais en plein jour.
Nous dûmes marcher trois jours et trois nuits presque sans arrêt pour échapper aux tenailles japonaises qui risquaient à chaque instant de se refermer sur nous. Un mauvais sort semblait nous poursuivre : à peine nous croyions-nous en sûreté, au moins provisoire, et nous préparions-nous à dormir, que l'approche des Nippons nous était signalée. Nous devions repartir et, comme un gibier poursuivi, changer de direction et brouiller nos pistes. Ce n’est qu'au matin d'une troisième nuit sans sommeil que notre groupe put rejoindre une unité française dont les feux de bivouac scintillaient dans une clairière. Une heure après nous repartions avec elle pour une étape de 40 kilomètres.
P. CASALTA :
Nous marchâmes encore douze jours, par les rudes sentiers de la haute région tonkinoise, au travers des rochers, des bambouseraies, des forêts épaisses, des argiles glissantes sous le crachin. Beaucoup de mes jeunes gens étaient mal chaussés. Ils avaient les pieds en sang et quelques-uns durent marcher pieds nus sur les épines et les pierres coupantes. Nous avions les reins lourds, les vêtements en lambeaux, nous étions dévorés par les sangsues, les moustiques et ramenions sur nous une magnifique collection de puces et de poux ; nous avons mangé au hasard du chemin, couché dans un coin de forêt ou sur le sol de cases sordides.
Nous-nous sentions cependant heureux, car nous étions libérés à la fois du joug japonais et de toute trace de cet esprit de collaboration ou même d'armistice, qui est pire que la défaite puisqu'il la fait pénétrer jusque dans les cœurs.
À peine arrivés à proximité de la frontière chinoise, en un poste où j'espérais trouver un peu de repos, procéder à un nettoyage et à épouillage sérieux, je dus repartir. Le commandant d’unité me demandait de passer la frontière pour établir aussi vite que possible la liaison avec les autorités françaises et alliées. Je n’emmenais avec moi qu’un de mes jeunes camarades [2] et dus abandonner les autres que je retrouvais quelques semaines après à Kunming, puis à Calcutta.
Nous couchâmes le soir même dans un petit poste de la frontière où nous rencontrâmes le décapité vivant, si miraculeusement échappé au massacre de Dong-Dang, dont je rapportai à Kunming un récit qui fit ensuite le tour du monde [3]. Nous passions le lendemain la frontière chinoise, trouvâmes une zone infestée de pirates, rencontrâmes au quatrième jour, avec l'émotion que l'on devine, les premiers représentants civils et militaires de la France libre
Après huit jours de marche, j’atteignais un camp d'aviation d'où un avion militaire m'emmenait à Kunming. C'est par l'avion désormais, que passant ainsi brusquement du plus lent au plus rapide des moyens de transport, je devais franchir les grandes étapes de mon voyage Kunming, Chung-King, Calcutta, Paris, où je retrouvai enfin la France libérée.
Deux jours après mon départ l'arrière garde de la colonne dans laquelle se trouvaient quelques-uns des jeunes gens de mon groupe était attaquée par les Japonais [4] qui, traversant la jungle, purent sans être aperçus parvenir à quelques mètres d'eux. Ils eurent ainsi le baptême du feu et purent riposter de leurs mitraillettes qu'ils avaient portées si longtemps avec tant de peine et entretenues avec des soins amoureux. Les missions que l’on me demandait de remplir m'éloignèrent d'eux, et je n’en revis que quelques-uns à Kunming.
Je puis, pour les jeunes résistants de France, porter ce témoignage qu'ils furent dignes d'eux. Comme eux, ils surent malgré des propagandes insidieuses, des exemples trop fréquents de faiblesse et de lâcheté, choisir spontanément et librement le combat, et ses risques contre la collaboration ou la simple et facile neutralité. Comme eux aussi ils surent passer, sans fléchir, du plan des discours et des sentiments à celui de l'action. Ils étaient faits de chair et je les trouvai, parfois épuisés, abattus, par l’excès de fatigue et le changement trop brusque des conditions de vie. Je dus parfois les réconforter, leur rappeler avec une apparente dureté qu'ils avaient librement choisi cette voie, devaient rester fidèles à leur serment, sentir que nous étions peut-être les seuls universitaires indochinois échappés au joug nippon et que notre résistance avait ainsi par delà nos personnes, la valeur plus haute d'un symbole ou d'un drapeau. Je puis affirmer que même les plus jeunes retrouvaient vite le sourire et la volonté.
…/…
Je puis surtout porter ce témoignage que s'ils furent parfois las, ils ne furent jamais lâches. Ils savaient parfaitement dès le départ que les tenailles nippones risquaient de se fermer sur nous. En cas de capture, des civils armés de mitraillettes parachutées ne pouvaient attendre que la torture et la mort. Spontanément, sans forfanterie ni paroles vaines, ils avaient fait le serment de ne pas tomber vivants aux mains de l'ennemi. Leur désir le plus vif est resté de participer aux combats qui libéreront l'Indochine.
Le vieux maître qui était devenu leur chef et à qui une longue habitude de la brousse indochinoise permettait d'être un guide s'enchantait de retrouver en eux cet esprit qui, prolongeait en action la période où nous avions dû rester sur le plan des discours ; il fut heureux aussi d’être associé, en camarade, à l’élan fervent de leur jeunesse.
Cf. la carte représentant l'itinéraire du petit groupe emmené par Marcel NER depuis le Tam Dao jusqu'à Cho Don.
Cette « épopée » s'est donc, heureusement, bien terminée. Il convient cependant d'indiquer que certains habitants du Tam Dao avertis de l'initiative de M. NER – y compris des sympathisants gaullistes – avaient manifesté leur hostilité à son égard, estimant qu'on n'engageait pas des jeunes, certes enthousiastes mais sans entraînement militaire et probablement mal informés des risques, dans des voies aussi périlleuses. Certains éléments semblent en effet confirmer une certaine légèreté dans la préparation de l'expédition puisque, comme l'indique Marcel NER lui-même, « Beaucoup de [ces] jeunes gens étaient mal chaussés. Ils avaient les pieds en sang et quelques-uns durent marcher pieds nus sur les épines et les pierres coupantes ». Le fait que plus de la moitié des élèves ayant quitté le Tam Dao ait abandonné conforte également ce sentiment d'impréparation.
VERS LA CHINE AVEC LA COLONNE SEGUIN |
Le petit groupe entraîné par Marcel NER a donc rejoint des éléments de la colonne SEGUIN dans les environs de Cho Don, petit village perdu dans la jungle, sur la route du lac Ba Bé, à l'est de Bac Kan, et a été affecté au groupe franc du 9e RIC. Les troupes du colonel SEGUIN sont alors : le IV/9e RIC du capitaine DRONIOU et la 5e batterie du 4e RAC du lieutenant ROC, complétés des groupements mobiles de Nan Cham et de That Khé (8/II/3e RTT) et de la brigade de la Garde Indochinoise de l'inspecteur de PONTICHE.
Le 18 mars, le capitaine MICHEL (3/I/3e RTT) et cent cinquante autres rescapés de Langson rejoignent la colonne SEGUIN. Le même jour, cette dernière quitte la zone de Cho Don, fractionnée en trois détachements progressant parallèlement pour mieux vivre sur le pays. La brigade de la Garde Indochinoise de l'inspecteur de PONTICHE reste à Cho Ra et va poursuivre des actions de guérilla sur les arrières nippons jusqu'au 6 avril. Malgré un accord conclu le 23 mars avec VO NGUYÊN GIAP, de PONTICHE sera blessé début avril lors d'une embuscade vietminh dans la région de Nghia Ta. Fait prisonnier avec certains de ses subordonnés français, il ne sera rendu aux représentants de la France à Hanoï que le 29 mars 1946, soit un an plus tard.
Le 22 mars, la 2/I/3e RTT du capitaine PERREIN qui a pu s'échapper de Dong Mo, au sud de Langson, rejoint la colonne SEGUIN.
À marche forcée, l’avant-garde de colonne, la 9/lV/9e RIC du capitaine LÉCA, atteint Bao Lac le 22 mars ; le poste, abandonné depuis le 15 par le capitaine GENEST (17/III/9e RIC), est occupé par le Vietminh. Le gros de la colonne française, qui arrive le 27 mars, parvient malgré tout à s'installer dans la zone, mais l'action des révolutionnaires provoque de nombreuses désertions parmi les tirailleurs : au matin du 28 mars le détachement ne compte plus que cent cinquante Français et une centaine d'Annamites, alors que quelques jours avant ils étaient près de douze cents.
Itinéraire du groupe des lycéens du Tam Dao reconstitué par P. CASALTA :
Le colonel SEGUIN aménage son dispositif entre Bao Lac et Nam Quet. Le 3 avril, les Japonais accrochent le capitaine LÉCA à Bao Lac, puis le 4 avril les hommes du commandant DRONIOU à Nam Quet. Le combat est violent et confus dans l'obscurité épaissie par le brouillard. Au matin du 5 avril, ce qui reste du détachement du colonel SEGUIN se replie en Chine en direction de Tien Pien. Pour lui laisser passer la frontière, la population aurait exigé une rançon de trente fusils et de cinq fusils-mitrailleurs.
P. CASALTA :
L'artillerie du groupement (5e batterie du 4e RAC), protégée par les détachements mobiles de That Khé et de Nan Cham, mais alourdie par son matériel, n'a pu suivre le rythme du déplacement. Le 10 avril, elle franchit à son tour la frontière après avoir été attaquée dans une vallée encaissée, à Dong Mu, par un fort parti vietminh et avoir dû détruire ses pièces.
Parmi ces artilleurs se trouvait l'adjudant Jacques DENIZOT qui, à la tête d'un groupe de fusils-mitrailleurs, constituait l'arrière-garde de la batterie. Dès le début de l'embuscade, l'adjudant fait mettre en position ses deux FM. Les combattants vietminhs concentrent alors leurs tirs sur son groupe qui se retrouve rapidement isolé et encerclé, ce qui a pour conséquence d'entraîner la débandade des pourvoyeurs indochinois. Tentant le tout pour le tout, DENIZOT ordonne à ses hommes de charger les Vietminhs dans un combat au corps à corps, ce qui leur permet de rompre l'encerclement et de rejoindre au pas de course le reste de la batterie quelques kilomètres plus loin. Pour ce fait d'armes, l'adjudant DENIZOT sera décoré de la Croix de Guerre avec citation à l'ordre du régiment. (Cf. la page consacrée à Jacques DENIZOT).
Le 13 avril, les jeunes du Tam Dao sont expédiés en deux groupes à Tien Tsi qu'ils atteignent en deux jours de marche. Ils sont alors pris en charge par le consul de France et peuvent prendre quelques jours de repos. Une semaine plus tard, le 20 avril, ils prennent la route à destination de la bourgade de Pe Se, laquelle abrite un terrain d'aviation américain d'où ils pourront s'envoler pour Kunming, la capitale du Yunnan [il pourrait s'agir du terrain d'aviation de Mengze situé à une trentaine de kilomètres au nord de la frontière indochinoise]. Les officiers de renseignement américains profitent de la présence des jeunes Hanoïens pour leur montrer des photos aériennes de la capitale tonkinoise et les interroger sur les positions des troupes japonaises. Le 26 avril, après trois jours d'attente avec nourriture abondante au mess des aviateurs, c'est enfin le départ pour Kunming et la fin du cauchemar : finis les poux, les sangsues, les nuits passées sur les pistes humides sans protection, ainsi que les longues marches épuisantes sous la pluie ou sous un soleil ardent.
À la DGER au Laos : Michel MOREAU |
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